Le
non-paper français sur le
r enforcement des inspections
Paris, le lundi 11 février 2003.
La résolution 1441 (2002), dans son préambule rappelle
que le fonctionnement effectif de la commission qui a succédé
à la commission spéciale et de l'AIEA est indispensable
à l'application de la résolution 687 et d'autres résolutions
pertinentes. Elle fixe, dans son paragraphe 7, un certain nombre
de règles révisées et supplémentaires
pour faciliter le travail des inspecteurs en Irak. L'organisation
actuelle de la CCVINU repose sur le plan d'organisation soumis le
6 avril 2000 par Hans Blix au Conseil de sécurité
conformément au paragraphe 6 de la résolution 1284
et approuvé par le Conseil dans une lettre de son Président
au Secrétaire général en date du 13 avril 2000.
Le plan (S/2000/292) lui-même prévoit, dans son paragraphe
3, la possibilité de révision de la structure et des
effectifs de la commission en fonction des développements
et des besoins à venir.
L'objectif d'un renforcement du dispositif est d'accroître
l'efficacité des inspections, : elles doivent être
plus intensives, plus directives, plus intrusives. Notre démarche
est guidée par le souci de forcer l'Irak à coopérer
par la voie pacifique d'inspections intrusives. Pour ce faire, il
est nécessaire que les inspections puissent aller au bout
de leur logique, avec le soutien politique, technique et matériel
des Etats Membres. Il s'agit de s'assurer que le système
en place soumet les autorités iraquiennes à une pression
constante, et fait qu'elles n'ont d'autre choix que de coopérer
immédiatement, inconditionnellement et activement avec les
inspecteurs comme la résolution 1441 l'exige. Les inspections
ont été conçues, dès le départ,
comme un instrument intrusif nécessaire pour assurer l'élimination
des programmes iraquiens prohibés. Leur rôle a toujours
été conçu comme devant contraindre les Iraquiens
à se conformer à leurs obligations.
1. Propositions :
Renforcement des effectifs et diversification du personnel :
Les objectifs sont d'élargir la couverture géographique
du pays en multipliant la présence des inspecteurs en divers
points du territoire, d'intensifier les inspections (accroissement
du nombre et de la fréquence) et de les approfondir, enfin
de permettre aux inspecteurs de faire face à des sites particulièrement
étendus. L'efficacité des inspections en termes de
désarmement et d'endiguement s'en trouverait accrue. Un tel
dispositif rendrait un éventuel effort de dissimulation de
la part de l'Irak beaucoup plus difficile à organiser.
Il y a aujourd'hui en Irak environ 110 inspecteurs de la CCVINU
et 9 inspecteurs de l'AIEA. En moyenne 10 équipes sont sur
le terrain chaque jour. Jusqu'à présent, à
peine la moitié des sites identifiés ont pu être
inspectés. Si l'on double (240) ou triple (360) le nombre
d'inspecteurs, on double ou triple également le nombre d'inspections
quotidiennes.
Au delà du doublement ou du triplement du nombre d'inspecteurs
et d'équipes d'inspection dans les spécialités
actuelles (armement chimique, biologique, balistique et nucléaire),
d'autres types de personnels et d'experts devraient être recrutés
:
Le corps de sécurité créé pour assurer
la protection des locaux des inspecteurs pourrait être significativement
étoffé de manière à permettre, dans
les cas où la CCVINU et l'AIEA l'estiment nécessaire,
de garantir la surveillance de certains sites suspects ou inspectés.
Ces personnels pourraient également intervenir dans le cadre
de la disposition de la résolution 1441 qui prévoit
que les inspecteurs sont autorisés à geler l'activité
d'un site, au moins pour les sites les plus étendus.
Afin de permettre un approfondissement des inspections, la CCVINU
et l'AIEA ont besoin non seulement d'experts en armement, mais aussi
d'experts-douaniers, d'analystes comptables, d'archivistes et de
tout autre spécialiste susceptible de contribuer à
mieux comprendre la nature des programmes iraquien de prolifération
sur la base de documents et d'archives de nature administrative,
budgétaire, financière, douanière, etc
La
compréhension de ces aspects des programmes irakiens pourrait
permettre à la CCVINU et à l'AIEA de procéder
à des missions plus inquisitoriales, y compris dans des centres
d'archives.
Le personnel de support administratif et technique ainsi que les
traducteurs-interprètes vers/depuis l'arabe devrait être
accru en proportion.
Des équipes mobiles de contrôle douanier devraient
être mises en place pour vérifier la nature des biens
entrant en Irak et s'assurer de l'absence d'importation de biens
prohibés (biens militaires interdits par la résolution
687 et biens dits à double usage inclus sur la GRL et non
approuvés par le comité 661). Les convois ne seraient
pas systématiquement stoppés, mais la CCVINU pourrait
procéder à tout moment à l'inspection d'une
cargaison.
La CCVINU dispose d'un bureau régional à Mossoul et
en aura bientôt un à Bassorah. Compte-tenu de la répartition
géographique des sites à inspecter, ces deux bureaux
régionaux devraient permettre d'assurer une bonne couverture
du terrain. Une implantation dans l'ouest du pays pourrait néanmoins
être utile, notamment pour servir de base aux équipes
mobiles de douaniers susmentionnées.
Renforcement des moyens techniques :
Il s'agirait en particulier d'intensifier la surveillance aérienne.
Un tel dispositif permettrait de balayer de façon systématique
le territoire iraquien et d'assurer un contrôle permanent
de l'ensemble des sites. Ce dispositif permettrait surtout, grâce
aux spécificités de chaque type d'appareil de préparer
ou d'accompagner les missions d'inspection. Ceci permettrait à
la CCVINU d'identifier en amont les sites sur lesquels des mouvements
ou modifications auraient été repérés
et d'envoyer immédiatement une équipe d'inspecteurs.
Ceci permettrait également, au moment du départ d'une
équipe d'inspecteurs vers un site, de s'assurer que celui-ci
est bien effectivement gelé . Un tel rythme de surveillance
permettrait de détecter les éventuels efforts de dissimulation.
Il s'agirait aussi de faciliter la collecte et le traitement des
informations issus des services de renseignements nationaux. Les
responsables de la CCVINU et de l'AIEA chargés de la collecte
de cette information pourraient être mandatés par MM.Blix
et El Baradei pour créer un centre ou bureau conjoint, organiquement
rattaché à la fois à la CCVINU et à
l'AIEA. Ce bureau pourrait être sis à New York (ou
à Vienne). Il serait compétent pour solliciter, recevoir
et traiter l'information issue (1) des services de renseignements
nationaux ainsi que (2) l'information collectée par les moyens
propres de surveillance aérienne de la CCVINU. Il devrait
s'agir d'une structure relativement légère, constituée
de cinq à dix experts de haut niveau, en particulier des
analystes d'images. En parallèle, les services des Etats
membres seraient appelés à collaborer plus étroitement
entre eux et à adresser leurs informations de façon
systématique au centre de coordination de la CCVINU et de
l'AIEA.
Renforcement des méthodes :
L'objectif est l'établissement, par la CCVINU et l'AIEA,
de la liste finalisée et hiérarchisée des questions
non résolues de désarmement. Il s'agit d'avoir une
vision claire, précise et objective des problèmes
qui restent à régler. Il ne s'agit pas seulement d'identifier
de manière exhaustive toutes les questions qui restent en
suspens, mais également d'évaluer leur importance
et leur degré de priorité. C'est important pour pousser
les iraquiens dans leurs retranchements en ne leur laissant pas
d'échappatoire sur ce que sont les questions auxquelles ils
doivent répondre et sur lesquelles on attend une coopération
véritablement active. Un tel exercice pourrait aussi être
utile pour évaluer la nature de la menace que représente
l'Irak.
Les inspections devraient être organisées et planifiées
de manière à progresser de façon systématique
dans l'élucidation de chacune des questions en suspens. Un
ordre de priorité devrait être établi, de même
qu'un calendrier. Une évaluation-bilan des progrès
ou absence de progrès dans les différents domaines
identifiés devrait être planifiée à intervalle
régulier.
Création d'un coordonateur permanent sur place :
MM. Blix et El Baradei n'ont pas vocation à être en
permanence sur le terrain. Il serait particulièrement utile
qu'ils aient à Bagdad un représentant qui serait leur
relais en même temps que l'interlocuteur des autorités
iraquiennes au jour le jour. Ce représentant assurerait également
la coordination sur place des actions de la CCVINU et de l'AIEA.
Il ferait, au quotidien, la synthèse des questions et des
problèmes et assurerait la liaison avec les autorités
iraquiennes. Il serait chargé de la synthèse des évaluations-bilans
des progrès sur chaque question à intervalle régulier.
2. Modalités de mise en uvre :
Notre intention est de mettre en oeuvre ces propositions en liaison
étroite avec la CCVINU et l'AIEA. Il appartient naturellement
en priorité à MM. Blix et El Baradei de définir
les modalités d'application de ces différentes propositions.
La CCVINU et l'AIEA disposent de ressources financières suffisantes
pour permettre le renforcement envisagé du dispositif. La
CCVINU dispose de ressources accumulées pendant ses deux
ans et demi d'existence avant le retour des inspecteurs en Irak,
période où la consommation était très
largement inférieure aux ressources. Le compte de la commission
continue d'être régulièrement alimenté
tant que l'Irak continue d'exporter du pétrole (0,8 pour
cent des recettes pétrolières versées sur le
compte séquestre).
S'agissant des effectifs, la liste-réservoir (roster) de
la CCVINU compte environ 350 experts, y compris les 110 inspecteurs
déjà sur place. Les rotations sont actuellement prévues
tous les 3 mois. Dans ces conditions, un doublement immédiat
des effectifs paraît possible, en combinant un allongement
de la durée des séjours et la mobilisation immédiate
du reste des experts inscrits sur la liste. Un triplement pourrait
être réalisé rapidement, dans la mesure où
des experts pourraient être rapidement sélectionnés
et formés. Les stages de formation, par groupe de 60, ont
une durée de 3 à 5 semaines.
S'agissant des moyens techniques, plusieurs pays ont annoncé
leur disponibilité à fournir sans délai les
appareils de surveillance aérienne supplémentaires.
Outre l'U2, pourraient être mis à disposition : antonov
russe, mirage IV français, drones allemands.
ANNEXE
Extrait des propos du Ministre français des Affaires étrangères
au Conseil de sécurité le 5 février 2003
Pour cela, il nous faut définir avec MM. Blix et El Baradeï
les outils nécessaires pour accroître leurs capacités
opérationnelles :
- doublons ou triplons le nombre des inspecteurs et ouvrons de nouveaux
bureaux régionaux. Allons plus loin : ne pourrait-on pas
mettre en place un corps spécialisé, chargé
de maintenir sous surveillance les sites et les zones déjà
contrôlées ?
- renforçons très sensiblement les capacités
d'observation et la collecte d'informations sur le territoire iraquien.
La France est disposée à fournir en ce sens tout son
appui : elle est prête à déployer des appareils
d'observation Mirage IV ;
- créons collectivement un centre de coordination et de traitement
des informations qui fournirait en temps réel et de manière
coordonnée à MM. Blix et El Baradeï toutes les
ressources en matière de renseignement dont ils pourraient
avoir besoin ;
- recensons et hiérarchisons les questions de désarmement
non résolues ;
- en accord avec les responsables des inspections, définissons
un échéancier exigeant et réaliste pour avancer
dans l'évaluation et l'élimination des problèmes.
Il faut un suivi régulier des progrès réalisés
dans le désarmement de l'Irak.
Ce dispositif renforcé d'inspection et de surveillance pourrait
être utilement complété par un coordonnateur
permanent des Nations unies pour le désarmement de l'Irak,
installé sur place et travaillant sous l'autorité
de MM. Blix et El Baradeï.
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