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L'élargissement à l'Est : un processus nécessaire
"Entrer en Europe" fut, en Roumanie comme dans les autres pays d'Europe centrale et orientale, le programme politique le plus important et le plus urgent de l'après-communisme. Nous savons aujourd'hui que l'Europe unie n'est pas seulement une liberté qui rayonne et une culture qui resplendit. C'est aussi et surtout une discipline. Il y a bientôt cinq ans, la Roumanie a signé l'accord d'association et depuis plus de trois ans il est bien mis en œuvre. En outre, la Roumanie a d'ores et déjà apporté une contribution significative au renforcement de la sécurité dans la région de l'Europe centrale et du sud-est.©1998
Emil CONSTANTINESCU - Président de la République de
Roumanie


La réflexion sur les objectifs politiques et les moyens de sécurité de l'Europe unie, à laquelle les Etats membres se consacrent aujourd'hui après quarante ans d'expérience dans la construction européenne, concerne directement les pays candidats d'Europe centrale et orientale. Cela non seulement parce que le renforcement de la sécurité de l'Union est censé accélérer le processus d'élargissement, mais également parce que ces pays sont en partie à l'origine de cette réflexion. Je veux dire par là que l'émergence en 1989 des nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale a motivé davantage les Communautés Européennes à doter d'une cohésion en matière de politique extérieure qui, se trouvait en léger retrait au regard de l'urgence de la construction du marché commun.

En effet, "entrer en Europe" fut, en Roumanie comme dans les autres pays d'Europe centrale et orientale, le programme politique le plus important et le plus urgent de l'après-communisme. Je dis bien programme politique. Car, pour nous à l'époque, l'Europe représentait moins le marché commun, avec ses règles et ses contraintes, ses heurts et malheurs, mais plutôt un projet politique et intellectuel. Les Douze constituaient à nos yeux un vaste territoire de liberté, le berceau de la démocratie, un foyer de culture.

Tout ceci, nous le croyons encore.

Mais ces huit dernières années nous avons appris bien d'autres choses. Nous savons aujourd'hui que l'Europe unie n'est pas seulement une liberté qui rayonne et une culture qui resplendit. C'est aussi et surtout une discipline. Une discipline dans l'activité économique et dans l'action sociale. Une discipline qui s'exprime à travers le langage hautement formalisé du Droit.

Il y a bientôt cinq ans, la Roumanie a signé l'accord d'association et depuis plus de trois ans il est bien mis en œuvre. Au lendemain des élections de novembre 1996, nous avons convenu que le temps des déclarations d'intention et des beaux discours sur notre volonté de rejoindre l'Europe était passé et qu'il fallait notamment redoubler d'efforts et accélérer le travail. Un travail soutenu sur nos lois, nos institutions, notre environnement, un travail sur nos entreprises, sur l'emploi sur les structures de notre économie. Cet effort, accepté et assumé par tous - parlement, gouvernement et partenaires sociaux - est stratégiquement orienté vers l'accomplissement des critères imposés par notre adhésion à l'Union.

Aux défis de l'intégration européenne nous avons répondu par le programme de réforme lancé en février 1997 et reconduit en avril 1998, programme qui comporte notamment des exigences plus sévères et des échéances plus brèves que celles proposées par l'accord d'association lui-même. Voilà les raisons pour lesquelles nous voulons et nous allons faire cette réforme. Car c'est uniquement par cette voie que nous pouvons consolider ce que nous avons déjà acquis et transférer nos rapports avec l'Union Européenne du plan de l'assistance vers celui de la coopération. En dépit de tous les risques qu'elle présente, la réforme est notre seul moyen de voir dans notre adhésion à l'Europe unie un acte politique aussi mérité que nécessaire.

Une fois l'Agenda 2000 lancé sommes-nous, après Luxembourg, moins confiants quant à nos perspectives d'adhésion ?

Si l'on prend en considération la sélection opérée parmi les Etats candidats à l'intégration et une certaine réticence qui se fait parfois sentir devant l'idée d'élargissement elle-même, ne risque-t-on pas de mettre en cause la cohérence politique de l'Union et d'ajourner la mise en place d'une véritable politique étrangère et de sécurité commune ?

Je me dois, sur ce point, de rappeler très brièvement l'état de la réflexion roumaine sur l'adhésion : une analyse fort attentive portant sur les acquis démocratiques et économiques, la gestion du montage juridique et réglementaire imposé par l'intégration et l'accélération du rythme de la réforme institutionnelle et de la déréglementation du marché.

Nous avons la conviction que ce qui compte vraiment dans une économie n'est pas forcément le niveau de certains indices de performance mais plutôt le caractère prévisible et rationnel de l'évolution macro-économique et le dynamisme et la vigueur du tissu micro-économique formé par les petites et moyennes entreprises. En évoquant de prévisibilité et de rationalité économiques, ce n'est pas un simple voeu que nous exprimons. Nos certitudes reposent sur des résultats qui ont déjà été atteints, ainsi que sur une évaluation rigoureuse de la réforme, faite avec le concours des organisations financières internationales, évaluation à laquelle la Commission européenne a apporté une contribution particulièrement importante.

Même si ces résultats constituent autant de signes encourageants, ils ne nous font cependant pas oublier tout ce qui nous reste encore à faire. Nous avons formulé nos objectifs de manière ferme et explicite : avancer dans l'harmonisation législative, mener une politique européenne plus active et plus systématique, coopérer avec plus de suivi dans le domaine relatif au troisième pilier, valoriser les actions initiées en Roumanie pour, d'une part, rétablir la confiance publique dans l'autorité de la loi et de la justice et, d'autre part, entraver la montée du crime organisé.

En outre, la Roumanie a d'ores et déjà apporté une contribution significative au renforcement de la sécurité dans la région de l'Europe centrale et du sud-est. L'idée de conclure des accords trilatéraux entre des Etats autrefois séparés par de longs contentieux lui appartient. Les accords trilatéraux entre la Roumanie, la Pologne et l'Ukraine, la Roumanie, la Moldavie et l'Ukraine, la Roumanie, la Bulgarie et la Grèce et, enfin, entre la Roumanie, la Bulgarie et la Turquie ont tissé, en moins d'une année, un réseau de confiance, de stabilité et de coopération dans une région qui autrement serait menacée par des conflits plongeant leurs racines dans une histoire compliquée et qui à terme, mal contenus, éclaterait à nouveau.

En ce qui concerne la politique extérieure et de sécurité, la Roumanie a déjà fait ses preuves. Lors de sa future intégration elle sera donc prête à assumer ses responsabilités au sein de l'Union. Elle pourra apporter une expérience et un sens de l'engagement susceptibles de renforcer et de rendre plus efficace la politique européenne commune.

Ceci étant, il me semble que l'élargissement de l'Union Européenne devrait être en mesure de confirmer - au-delà de toute considération de coût et de toute expertise bureaucratique - le sens de la construction d'une Europe unie telle qu'elle a été commencée après la guerre et qu'elle s'est poursuivie depuis. Dans cette perspective, l'élargissement à l'Est serait essentiellement un choix politique, l'expression d'une identité commune enfin retrouvée.

Même si l'acier ou la monnaie font eux aussi partie de la construction européenne, l'Europe unie est essentiellement l'œuvre de ses nations libres, déterminées à mettre en commun une longue expérience historique et à vivre ensemble leur identité propre, fondée sur les valeurs civiques. Cette identité européenne partagée, née grâce aux identités nationales des pays européens, n'a pas le droit d'exclure.

Sinon, elle risque de se contredire.


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