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Nous ne sommes pas des anti-européens
Le fait que la Grande Bretagne pose plus de questions sur l'intégration que la plupart de ses partenaires conduit à ce que l'on nous caricature souvent comme des anti-européens qui stoppent l'intégration voulue par le reste de l'Union européenne. Pour que la cooopération européenne devienne vraiment efficace, il faut que la forme de cette collaboration soit appropriée à chaque matière. L'intégration supranationale - le transfert de compétence des Etats-nations vers les institutions centrales - n'est pas la seule voie possible. © 1997
Malcolm RIFKIND - Ministre des Affaires étrangères britanniques
(1995-97)


Nous avons besoin en Europe de plus de discussions sur notre avenir. C'est pourquoi j'ai expliqué ces dernières semaines les positions britanniques sur l'Europe et posé quelques questions importantes sur l'avenir à long terme de l'Europe.

. Dans les deux prochaines années, des décisions lourdes de conséquences seront prises sur l'élargissement à l'Est, sur les modifications institutionnelles ultérieures et sur l'Union Monétaire. Ces décisions vont tous nous concerner et imprégner fondamentalement la forme de l'Europe pour les deux prochaines décennies. C'est pourquoi nous devons absolument prendre les bonnes décisions. Et le débat à ce sujet doit impérativement être mené de manière ouverte et honnête. Le fait que la Grande-Bretagne pose plus de questions sur l'intégration que la plupart de ses partenaires conduit à ce que l'on nous caricature souvent comme des anti-Européens qui stoppent l'intégration voulue par le reste de l'Union Européenne. Ceci est doublement faux. La Grande-Bretagne n'est pas anti-européenne. Nous avons une image positive de l'avenir de l'Europe. Mais en Grande-Bretagne, les citoyens se demandent jusqu'où le processus d'intégration va les mener et peinent à croire que la revendication d'une intégration toujours plus poussée soit réellement généralisée dans l'Union Européenne, y compris en Allemagne.

Les fondements de la légitimité démocratique.

La Grande-Bretagne considère l'Etat-nation comme le lien démocratique essentiel entre le peuple et ses représentants. Les institutions nationales constituent le fondement de la légitimité démocratique. Les citoyens de l'Europe ne sont peut-être pas toujours satisfaits des actions de leurs gouvernements et parlements nationaux. Mais ce sont néanmoins des institutions qui se sont développées au cours de plusieurs siècles - particulièrement en Grande-Bretagne - et qui appartiennent aujourd'hui à la structure nationale. Ainsi, l'acceptation officielle des institutions de l'Union Européenne, comme par exemple le Parlement Européen ne fut pas, dès l'origine, aussi forte; cela tient en partie au fait que, à notre avis, elles n'exercent pas toujours leurs compétences de manière responsable. Un élargissement des compétences de ces institutions n'apporterait aucun avantage patent, mais ferait courir des risques sérieux. L'intégration ne peut que limiter encore davantage la souveraineté des Etats-nations. Les décisions des parlements nationaux peuvent être annulées par un seul vote alors qu'une seule nation ne peut annuler les décisions prises par l'Union.

La plupart du temps, la Grande-Bretagne est présentée comme négative ou rétrograde, simplement parce que nous n'acceptons pas que l'intégration soit irréversible et qu'elle doive s'étendre à toujours plus d'activités de l'Union Européenne. Cela ne signifie pas que nous ne voulons pas de progrès en Europe. Nous acceptons la nécessité de l'intégration - décisions à la majorité et compétences supranationales - là où elle est nécessaire. L'intégration devrait ,par exemple, s'intéresser au fonctionnement juste et effectif du Marché Intérieur. Nous sommes de fervents défenseurs de la Politique Etrangère et de Sécurité Commune et nous voulons la rendre plus efficace. Nous voulons une meilleure collaboration au sein de l'Union Européenne pour la Justice et les Affaires Intérieures. Sur tous ces sujets , nous avons les mêmes buts que nos partenaires européens, y compris l'Allemagne. Nous avons seulement des conceptions différentes sur les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs.

Pour que la coopération européenne devienne vraiment efficace, il faut que la forme de cette collaboration soit appropriée à chaque matière. L'intégration supranationale - le transfert de compétences des Etats-nations vers les institutions centrales - n'est pas la seule voie possible. Il en existe une autre, qui a également été utilisée : l'intergouvernementalisme. Dans le traité de Maastricht, il a été sérieusement étudié dans quels domaines l'intégration était nécessaire et ceux dans lesquels les Etats membres pouvaient le mieux faire progresser leurs intérêts communs sur la base d'un accord en commun. Au premier domaine appartiennent les aspects de politique commerciale et économique et avant tout le Marché Intérieur. Le second concerne la Politique Etrangère et de Sécurité Commune ainsi que la Justice et les Affaires Intérieures.

L'équilibre trouvé à Maastricht a fait ses preuves, d'après la conception britannique. Nous ne voyons pas l'utilité de le modifier.A la Conférence Intergouvernementale, certains de nos partenaires proposent que la collaboration dans la PESC soit remplacée par l'intégration. Je crains que l'on ne court un risque sérieux si l'on perturbe de cette manière l'équilibre de l'Union Européenne.

L'Union Européenne n'est respectée dans le monde que lorsqu'elle parle d'une seule voix, visible pour tous. La politique de l'UE est efficace quand ceux qu'elle doit influencer- les parties en ex-Yougoslavie ou au Proche-Orient- peuvent voir que le point de vue de l'UE est soutenu par tous les Etats membres, d'une seule voix. Elle ne serait pas efficace si un avis de l'UE n'était qu'un compromis qui n'aurait pas été accepté par quelques Etats membres, peut-être les plus importants comme l'Allemagne. L'influence sur la PESC serait alors fortement négative. Au sein de l'UE, les décisions à la majorité donneraient lieu perpétuellement à des querelles. Les Etats-nations perdraient le droit d'empêcher des décisions s'ils les tenaient pour mauvaises ou mettraient en péril leurs intérêts nationaux. La même chose vaut pour la Justice et les Affaires Intérieures ; les domaines afférents - criminalité, migrations illégales, trafic de drogue et terrorisme - sont des aspects épineux des Affaires Intérieures qui touchent à la relation entre le citoyen et l'Etat. L'introduction des décisions à la majorité transformerait tout cela fondamentalement ces questions. Que diraient les Allemands si les problèmes d'immigration incombaient à Bruxelles?

Une des grandes forces de l'Union Européenne est sa multiplicité. Evidemment, l'unité est en cause dans de nombreux domaines - le marché intérieur doit garantir les mêmes chances pour tous. Mais en ce qui concerne la PESC et la JAI, l'UE est la plus forte lorsqu'elle agit d'après le principe du consensus. Le fait de parler d'une seule voix ne peut être imposé. Il doit résulter du consensus trouvé.

De ce point de vue, et contrairement à ce qui est généralement admis, l'élargissement de l'UE aux nouvelles démocraties de l'Europe Centrale et Orientale constitue un défi particulier. Certains prétendent qu'une Union avec plus de vingt membres devrait voter plus souvent à la majorité. J'ai une opinion totalement différente. Une Europe plus grande, avec une multiplicité toujours plus variée de membres, pour laquelle la Grande-Bretagne milite, ne progressera que dans un accord total. Permettre que des Etats mécontents, mis en minorité par de plus grands Etats ou même des coalitions de plus petits Etats, puissent se liguer contre la majorité, n'est pas le moyen par lequel on peut répandre l'harmonie sur notre continent.

Un principe, qui n'a toujours pas été clairement définit, est inscrit aujourd'hui à l'ordre de la CIG : rendre l'Union plus flexible. Cela pourrait aider à résoudre les difficultés causées par l'élargissement aussi longtemps que les décisions des Etats membres sur les questions sensibles seront prises par consensus et non imposées par une majorité à une minorité.

Collaboration flexible seulement avec l'accord de tous les membres.

Des groupes d'Etats au sein de l'UE doivent être en mesure, là où ils ont des intérêts communs, de travailler ensemble de façon plus étroite. Mais seulement de manière à ce que les intérêts de tous les Etats membres soient protégés. Une collaboration flexible de quelques Etats ne peut être réussie qu'avec l'accord de tous les Etats. Sans cette garantie de sécurité, nous courons le risque qu'une petite majorité d'Etats prenne des décisions au détriment des Etats restants.

La vision britannique de l'Europe n'est ni rétrograde, ni négative. Nous aimerions construire un partenariat des Nations, tel qu'il est conçu dans le traité de Rome et a été encore développé dans le traité de Maastricht. En centralisant toujours plus fortement les compétences au détriment des Etats-nations, on remettrait en question l'UE. Cela constituerait plus un danger pour l'UE qu'un renforcement. Ce n'est que si l'Europe utilise le soutien des citoyens, la légitimité démocratique et la multiplicité des nations qu'elle pourra connaître toujours plus de succès, comme y aspire la Grande-Bretagne.


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