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L'Union au défi de l'euro et de l'élargissement
L'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale va soumettre les institutions communautaires au défi du nombre et de la diversité. L'Agenda 2000 "Pour une Union plus forte et plus large" a tracé le chemin de cette nouvelle étape qui s'engage. En décidant d'introduire l'euro au 1er janvier 1999, les chefs d'Etats et de gouvernements se sont lancés un défi sans précédent. Là aussi, la France et l'Allemagne, peuvent contribuer à donner une impulsion décisive à cette nouvelle étape. © 1998
Jacques SANTER - Président de la Commission européenne
(1995 - mars 1999)


Les chefs d'Etat ou de gouvernement des quinze pays membres de l'Union européenne se sont fixé des ambitions de taille pour leur développement commun au sein de l'Union : la réalisation de l'euro et l'élargissement. Ces deux projets vont transformer le projet communautaire.

L'euro causera une accélération sans précédent de l'intégration économique. L'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale signifiera son extension, à terme, à plus de 20 pays européens, accroissant radicalement la diversité des pays de la Communauté européenne.

Dans ces conditions nouvelles, que faire pour que ce projet demeure un projet politique commun émanant des nations et des peuples d'Europe ?

L'existence d'une relation intense, abordant tous les grands sujets, et équilibrée, entre la France et l'Allemagne est l'un des piliers porteurs de ce projet, et, au-delà, de la stabilité du continent européen. Elle doit demeurer au centre de tout. Elle est dans l'intérêt de ces deux pays. Et elle est également dans l'intérêt de tous les pays membres. Elle est dans l'intérêt du continent tout entier.

Compte tenu du poids politique respectif de la France et de l'Allemagne, l'avenir de l'Union européenne, en tant que projet politique, dépend, aujourd'hui comme hier, de l'accord entre ces deux pays et des initiatives communes qu'ils prendront. A l'inverse, leurs désaccords menaceraient de bloquer le processus ou de conduire, au moins dans un premier temps, à des évolutions déséquilibrées.

L'Histoire des quarante dernières années est là pour démontrer la réalité de cette analyse. Et démontrer aussi que jusqu'à présent les deux pays ont toujours eu la volonté d'avancer ensemble sur la base du contrat moral scellé en 1963.

Quels sont les défis du projet communautaire que France et Allemagne doivent relever pour l'avenir ?

La réforme des institutions communautaires

L'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale va soumettre les institutions communautaires au défi du nombre et de la diversité.

Certaines réformes relèvent de la Commission elle-même. Accroître la visibilité et la responsabilité de l'institution, grâce au renforcement du statut du Président de la Commission, entériné à Amsterdam, et de la collégialité de la Commission. Recentrer les politiques sur l'essentiel, en n'agissant que lorsqu'il existe une valeur ajoutée européenne, en réduisant le nombre d'initiatives législatives, en améliorant la gestion des fonds communautaires, expression de la solidarité entre pays européens, progressivement élargie, à partir de l'an 2000, aux pays candidats.

L'Agenda 2000 'Pour une Union plus forte et plus large' a tracé le chemin de cette nouvelle étape qui s'engage. Et des réformes internes significatives ont été engagées au sein de la Commission, moins visibles pour le grand public certes, mais qui se traduiront rapidement dans des résultats : une meilleure gestion, une plus grande efficacité des politiques communautaires.

D'autres réformes relèvent directement de la responsabilité des Etats membres : revoir la pondération des voix au Conseil, réduire le nombre de Commissaires à un par Etat membre avant le premier élargissement. Cette réforme ne suffira pas toutefois pour envisager un élargissement substantiel. Aussi la Commission a-t-elle appelé à la convocation d'une nouvelle Conférence intergouvernementale aussitôt que possible après 2000, pour accomplir une réforme en profondeur des dispositions du traité relatives à la composition et au fonctionnement des institutions.

Sur ces questions institutionnelles, une convergence nouvelle entre la France et l'Allemagne peut se dessiner, hors des catégories trop rigides du fédéralisme et de l'intergouvernementalisme, faisant mieux droit au caractère sui generis du projet communautaire.

La coordination des politiques économiques

En décidant d'introduire l'euro au 1er janvier 1999, les chefs d'Etats et de gouvernements se sont lancé un défi sans précédent. Les pays membres ont déjà entamé de le relever, puisque selon le rapport que la Commission a rendu public le 18 mars, conformément au traité de Maastricht, les critères de convergence économique ont été remplis dans 11 pays. Mais il ne s'agit là que des critères de Maastricht.

Demain, au sein de la " zone euro ", les Etats seront certainement amenés à une modernisation plus poussée de leurs systèmes de protection sociale et de leurs systèmes fiscaux. Comme cela a été le cas pour l'emploi avec la stratégie européenne lancée à Luxembourg en novembre 1997, suite à l'inscription d'un chapitre sur l'emploi dans le traité d'Amsterdam, on peut souhaiter que le cadre communautaire permette d'engager ces réformes afin de moderniser le modèle européen de société.

Là aussi, la France et Allemagne, en rapprochant leurs conceptions d'une économie efficace et solidaire, peuvent contribuer à donner une impulsion décisive à cette nouvelle étape.

Elles doivent le faire en se plaçant au cœur du cadre communautaire, afin que leur impulsion ait un effet d'entraînement collectif. Si l'ensemble des pays, en effet, engagent ensemble, de manière simultanée et coordonnée, les réformes nécessaires, il y aura un effet multiplicateur européen, similaire à celui qui a eu lieu en faveur de la convergence macro-économique.

Plus important encore et à vrai dire primordial, cette relation doit s'appuyer sur une ouverture accrue des deux sociétés l'une à l'autre.

Aujourd'hui l'entente franco-allemande est encore sur la trajectoire impulsée dans l'après-guerre. Avec le roulement des générations, cette trajectoire menace de s'infléchir. Elle doit retrouver, avec les jeunes générations un nouvel élan, dans la conscience que cette amitié est cruciale, qu'elle mérite d'être vécue personnellement. Tant il est vrai que si la langue de l'autre est difficile, l'enrichissement culturel est sûr.

Où en est-on aujourd'hui ? Les sociétés européennes, à commencer par l'allemande et la française, sont-elles suffisamment ouvertes les unes sur les autres pour assurer à l'Union européenne le dynamisme politique dont elle a besoin ?

Certains signes sont inquiétants : la baisse de l'apprentissage de la langue de l'autre, la faiblesse des échanges d'hommes et d'idées, par rapport à celui des marchandises.

Simultanément, d'autres indices annoncent les caractéristiques de ce que peut être une nouvelle étape.

La Commission y apporte déjà son soutien à travers ses programmes. Pourtant tout ne saurait venir de Bruxelles.

Les Etats européens doivent se mobiliser pour cela, redéfinir leurs priorités et coordonner leurs efforts, afin de faire un usage plus efficace des moyens disponibles.

Et au-delà, c'est une mobilisation la plus décentralisée que possible qui est nécessaire : collectivités locales, associations, écoles, universités, entreprises, doivent s'ouvrir à la dimension internationale.

C'est là que chacun a une responsabilité majeure. Et, en tant que Luxembourgeois, je sais combien l'histoire enseigne le prix de cette amitié. Aussi, comme le disait dans une formule heureuse le général de Gaulle : " ça ne doit pas être cantonné au niveau des hommes politiques. Ca doit colorer dorénavant les sentiments populaires. Les Français et les Allemands doivent devenir des frères. La fraternité des deux peuples, ça doit devenir quelque chose d'élémentaire ".


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