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Les avancées de l'Europe de la défense
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Sir Michael JAY*
* Ambassadeur de Grande-Bretagne en France (1996 - 2001)
© 2000


Le Royaume-Uni dit depuis longtemps que les prétentions de l'Europe à mener une politique étrangère et de sécurité resteront vaines, tant qu'elle ne se sera pas dotée des capacités nécessaires pour faire valoir ses positions en la matière. On ne donnera à l'Union une vraie dimension en matière de défense qu'en lui donnant les capacités militaires requises pour intervenir pour de bon, au sol, en mer et dans les airs, à l'appui de sa politique étrangère et de sécurité commune. L'Otan reste le fondement de notre défense collective et continuera de jouer un rôle important dans la gestion des crises. En dotant l'Europe de capacités militaires propres, nous ne ferons pas que renforcer sa capacité d'intervention, nous consoliderons aussi l'Alliance atlantique.




L'Europe a franchi un pas important à Helsinki au mois de décembre dans sa quête d'affirmation d'une identité propre en matière de défense, qui lui permette de jouer pleinement son rôle sur la scène internationale. Il faut y voir le prolongement du processus amorcé au sommet franco-britannique de Saint-Malo en décembre 1998, et développé ultérieurement, notamment lors des sommets franco-britannique et franco-allemand des 25 et 30 novembre dernier. Échaudés par l'expérience au Kosovo, nous avons compris que les pays du Vieux Continent avaient besoin d'étoffer leurs capacités militaires afin de pouvoir donner leur pleine mesure dans des interventions militaires de l'OTAN et mener des opérations de gestion de crise, là où l'Alliance en tant que telle n'est pas engagée.

Le Royaume-Uni dit depuis longtemps que les prétentions de l'Europe à mener une politique étrangère et de sécurité resteront vaines, tant qu'elle ne se sera pas dotée des capacités nécessaires pour faire valoir ses positions en la matière. Comme l'avait dit George Robertson, alors ministre de la Défense, ce n'est pas en déployant un schéma de montage institutionnel qu'on fera face à une crise. On ne donnera à l'Union une vraie dimension en matière de défense qu'en lui donnant les capacités militaires requises pour intervenir pour de bon, au sol, en mer et dans les airs, à l'appui de sa politique étrangère et de sécurité commune.

Le Kosovo a montré que nous devions assumer collectivement une part accrue de la défense européenne. Nous en sommes loin aujourd'hui, faute de capacités. Si nous avons vraiment la volonté de reprendre la maîtrise de notre défense et de notre sécurité, alors nous devons d'urgence prendre les dispositions concrètes qui s'imposent à cet effet. Les responsables européens conviennent individuellement et collectivement que l'Europe doit mieux faire. Reste à savoir dans quelle mesure et par quel biais. Nous devons nous fixer un but précis et bien nous entendre sur le cap. Si nous voulons que l'initiative de défense nous mène quelque part, nous devons nous fixer un objectif ambitieux mais réaliste.

Le Conseil européen d'Helsinki a défini les moyens dont nous devions disposer pour pouvoir intervenir militairement dans des missions de paix d'envergure, de type "missions de Petersberg", qu'elles soient conduites sous l'égide de l'Otan ou de l'Union européenne. Plus précisément, nous devons pouvoir mobiliser rapidement et projeter dans la durée des forces de combat autosuffisantes jusqu'au niveau d'un Corps d'Armée (réunissant environ 50.000 à 60.000 hommes), dotées des capacités nécessaires en matière de commandement, de conduite des opérations et de renseignement, de logistique, d'unités d'appui et d'unités de combat, ainsi que des éléments de combat naval et aérien appropriés. Les Quinze se sont également engagés à Helsinki à mettre en place les organes de décision nécessaires à la conduite d'opérations militaires, et à leur pilotage politique et stratégique.

Lors du sommet franco-allemand qui s'est tenu à Paris le 30 novembre, les deux pays ont aussi fait faire une avancée décisive à l'Europe de la défense. Ils se sont entendus pour poursuivre la transformation de l'Eurocorps en une force de réaction rapide européenne, qui pourrait être amenée à prendre la relève de l'actuel état-major de la KFOR au Kosovo. Ils ont par ailleurs salué son ouverture à des officiers de liaison d'États membres de l'Union qui n'y participent pas encore, comme le Royaume-Uni.

Si les percées à attendre sont affaire de capacités, elles sont aussi affaire d'institutions. Car l'Union devra se doter de la technostructure et des organes nécessaires à l'analyse des situations, à la prise de décision et à la conduite d'opérations menées au titre de la politique étrangère et de sécurité commune. Le Conseil européen d'Helsinki a décidé de mettre en place à Bruxelles un comité politique composé de représentants permanents des pays membres, chargé de suivre la situation au jour le jour. Il fera appel à l'éclairage technique d'un comité militaire, lui-même secondé par un état-major militaire. Il sera indispensable que ces trois organes permanents bâtissent des relations étroites et confiantes avec l'OTAN.

Car nous devons, dans cet exercice, renforcer les institutions actuellement compétentes en matière de sécurité et de défense européenne. L'OTAN reste le fondement de notre défense collective et continuera de jouer un rôle important dans la gestion des crises. En dotant l'Europe de capacités militaires propres, nous ne ferons pas que renforcer sa capacité d'intervention, nous consoliderons aussi l'Alliance atlantique. L'objet de cette Europe de la défense, qui cherche aujourd'hui à s'affirmer, doit être de compléter l'OTAN et non de s'y substituer.

Il importe que nos alliés, les Américains en particulier, ne nourrissent pas de doutes à ce sujet et sachent bien que là est notre intention et que là sera bien le résultat de notre action. Il importe par ailleurs que nos alliés européens non membres de l'Union puissent participer à la constitution de ce corps d'armée, et soient associés à l'élaboration, au sein de l'Union, de la doctrine qui en régira l'emploi ainsi qu'au processus de décision d'engagement.

C'est une chose que de se fixer des objectifs ambitieux. Encore faut-il pour s'y tenir mesurer les avancées réalisées. Le Royaume-Uni préconise à cet effet l'adoption d'un mécanisme de surveillance multilatérale, qui permette de faire régulièrement le point des progrès enregistrés, tant au niveau collectif qu'au niveau national, au regard des objectifs retenus. La montée en puissance de cet outil de défense collective supposera de gros efforts. Il reviendra à chacun d'y mettre du sien. Nous pourrons nous appuyer sur les organes de planification existants, y compris ceux de l'Otan, puisque l'Alliance s'est déclarée prête à Washington à les européaniser.

Nous avons fait beaucoup de chemin depuis Saint-Malo, mais la route est longue encore. Il nous reste à mettre au point dans l'intervalle un mécanisme qui puisse fonctionner en bonne intelligence avec l'UEO et l'OTAN. Nous devons veiller à ce que tous les Etats membres apportent leur pierre à l'édifice et nous fixer pour échéance la fin de la présidence française de l'Union - décembre 2000. Vaste programme. Il y aura des décisions difficiles à prendre et d'âpres négociations à mener. Il faudra surtout que tous les pays membres de l'Union fassent preuve - en y mettant les moyens nécessaires - de la volonté de donner un contenu concret à cette Europe de la défense qu'ils appellent de leurs vœux.

C'est non seulement une ambition à notre portée, mais c'est aussi un impératif si nous voulons voir l'Union européenne affirmer son autorité dans les affaires du monde, et faire équipe avec les États-Unis sur un pied d'égalité.


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