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La Hongrie a repris sa place en Europe
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János MARTONYI*
* Ministre des Affaires Etrangères de la République de Hongrie (1998 - 2002)
© 1999


Les événements tragiques qui se sont déroulés sur le territoire de l'ex-Yougoslavie - et tout récemment encore au Kosovo - nous ont rappelé une fois de plus et de manière dramatique que le concept de sécurité dépasse largement sa définition strictement militaire et que la sécurité de l'Europe est indivisible.
A travers l'OTAN, nous recherchons un environnement de stabilité, de paix et de sécurité, des conditions externes favorables au développement de notre pays afin de renforcer davantage les conditions d'une croissance durable.





La reprise de la place de la Hongrie dans la communauté des nations européennes a servi de point de départ au nouveau gouvernement hongrois, formé en été 1998, pour l'élaboration du concept de sa politique étrangère. C'est sur cette même base qu'il souhaite contribuer à la création des conditions interna-tionales favorables à " l'embourgeoisement " interne. Ce gouvernement s'identifie avec les priorités de la politique étrangère fondées sur un consensus national acquis après le changement du système politique, à savoir : l'intégration du pays dans les organisations euro-atlantiques, une politique de bon voisinage et une politique de la Nation consistant à accorder une attention particulière aux intérêts des communautés hongroises à l'étranger. Cette politique fait en sorte qu'il y ait un équilibre parmi ces trois objectifs. Nous n'avons pas oublié qu'aucun de ces objectifs ne peut être subordonné à l'autre et ne peut prévaloir au détriment d'un autre. La mise en œuvre de ces objectifs crée une interdépendance entre eux et en même temps les lie ensemble.

Notre diplomatie est consciente du fait que la stabilité régionale est indispensable pour la réussite de la politique de l'intégration euro-atlantique. En même temps, notre succès dans l'avancement de la politique de notre intégration euro-atlantique renforce non seulement la sécurité et la coopération régionales, mais offre également l'occasion d'avancer dans le processus de l'arrangement de la situation des communautés hongroises vivant outre nos frontières. L'application des traités de base et des autres accords conclus avec nos voisins, ainsi que le respect des droits des minorités nationales, renforcent la stabilité et la coopération régionales et facilite le succès de la participation au processus de l'intégration européenne.

La politique d'intégration du gouvernement hongrois exprime et représente avec détermination les intérêts nationaux. C'est dans cet esprit que nous menons les négociations sur notre adhésion à l'Union européenne et que nous poursuivons notre préparation interne pour devenir membre de l'Union - en 2002. Nous considérons que, lors des négociations sur l'adhésion, il est essentiel de faire valoir les intérêts économiques de notre pays de façon à ce que cela ne retarde pas la date de notre admission. Nous devons adhérer à l'Union à des conditions aussi favorables que possible au regard de nos intérêts nationaux.

Entre-temps, nous souhaitons contribuer à la création d'une Europe politiquement et économiquement unie, par tous les moyens à notre disposition, ainsi que renforcer cette unité. Nous sommes convaincus que les défis de l'avenir, tels que la concurrence dans l'économie mondiale, la révolution dans le domaine de l'informatique, la protection de l'environnement, la lutte contre le crime organisé, le renouveau moral et culturel et la gestion des tensions qui subsistent dans nos régions, appellent à une unification politique et économique du continent.

La transformation du système de sécurité européen

Dans la nouvelle architecture de sécurité européenne qui est en train de se former de nos jours, la prévention des conflits jouera un rôle de plus en plus déterminant. Par exemple, la prévention des conflits est devenue la tâche principale de l'OSCE, organisation qui comprend le plus grand nombre d'États membres sur notre continent. A travers la création d'une Politique Étrangère et de Sécurité Commune, l'Union européenne peut également jouer un rôle significatif dans la prévention des conflits et dans le renforcement de la sécurité. Néanmoins, dans la situation géopolitique actuelle, l'OTAN demeure, sans aucun doute, la pierre angulaire du nouveau système de sécurité car, outre le fait qu'elle constitue une communauté solide d'intérêts et de valeurs, elle est indéniablement la seule organisation dotée d'une force militaire crédible. Comme elle l'a déjà déclaré à plusieurs reprises, l'Alliance considère que son principal objectif est d'étendre au continent entier la sécurité et la stabilité qui caractérisent la communauté euro-atlantique.

A notre avis, un système européen capable de faire face aux défis actuels et futurs doit s'appuyer sur les piliers suivants: l'OTAN, l'Union Européenne (et l'UEO), l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), et enfin, le Conseil de l'Europe qui représente les valeurs généralement admises de notre civilisation, avec une attention particulière à la protection des droits de l'homme et ceux des minorités. Actuellement, la tâche de l'OTAN et de l'Union européenne est d'étendre la zone de stabilité au-delà des frontières de leurs États membres.

Parallèlement, le gouvernement hongrois attribue une grande importance à la coopération régionale ayant pour objectif la réduction des nouveaux types de risques pour la sécurité. Nous ne faisons pas seulement référence aux conflits locaux, mais aussi aux dangers dépassant les frontières nationales tels que le crime organisé, le trafic des drogues, le terrorisme international et le commerce illégal des armes. La lutte contre de telles menaces est l'intérêt et même le devoir de chaque Etat démocratique.

Les événements tragiques qui se sont déroulés sur le territoire de l'ex-Yougoslavie - et tout récemment encore au Kosovo - nous ont rappelé une fois de plus et de manière dramatique que le concept de sécurité dépasse largement sa définition strictement militaire et que la sécurité de l'Europe est indivisible. Les situations de crise nous ont également mis en garde en nous montrant qu'une organisation, aussi efficace qu'elle soit, ne peut pas résoudre toute seule les problèmes économiques, sociaux, environnementaux et de sécurité d'une région et encore moins d'un continent tout entier. A long terme, on ne peut parvenir à une véritable stabilité qu'à l'aide d'un système efficace d'institutions se renforçant mutuellement et au sein desquelles chaque pays trouve sa place et a la capacité de défendre ses intérêts. La réalisation d'un tel objectif va également charger la communauté internationale de tâches considérables à long terme.

L'élargissement de l'OTAN n'est pas seulement un moyen efficace pour gérer les risques actuels et futurs, mais il aide aussi à éviter les menaces qui pourraient apparaître à l'avenir. Pendant les débats aux Etats-Unis sur les protocoles d'adhésion des trois nouveaux membres de l'OTAN, il a été dit qu'à cause des nouveaux membres, les vies des soldats américains allaient être sacrifiées pour les villes d'Europe centrale en cas d'un conflit armé. En réalité, l'élargissement en tant que tel est déjà une garantie pour qu'il n'y ait pas de menace pour la vie d'aucun soldat de n'importe quel pays membre de l'OTAN. Jusqu'à aujourd'hui, l'histoire de l'OTAN a été une réussite ; l'existence et le fonctionnement efficace de l'Alliance Atlantique a, pendant le dernier demi-siècle, épargné à l'OTAN la nécessité de recourir aux armes pour mettre en valeur la défense collective prévue par l'article 5 du Traité de Washington.

Que recherchons-nous dans l'OTAN ?

A l'instar du processus de notre intégration en général, la politique étrangère de la Hongrie concernant l'accession à l'Alliance Atlantique est également guidée par des intérêts nationaux. Jusqu'à présent, nous avons essayé de montrer les raisons pour lesquelles l'élargissement de l'OTAN sert les intérêts de notre continent tout entier. Mais quels sont les intérêts typiquement hongrois liés à notre adhésion à l'Alliance ? Cette question s'est également posée de façon beaucoup plus simple lors des débats qui se sont déroulés au cours des dernières années au sein de la société hongroise : qu'attendons-nous de l'OTAN ?

En premier lieu et avant tout, nous recherchons un environnement de stabilité, de paix et de sécurité, des conditions externes favorables au développement de notre pays afin de renforcer davantage les conditions d'une croissance durable. L'élargissement de l'OTAN est perçu par la Hongrie comme l'extension de la zone de sécurité et de stabilité vers l'Est. Notre entrée dans l'Alliance n'a pas été motivée par une sorte de peur face à une menace extérieure ou à une menace de guerre, mais plutôt par la volonté de voir notre pays profiter des avantages découlant de la stabilité et de l'appartenance à une communauté de nations partageant le même système de valeurs démocratiques, et par la volonté d'apporter notre contribution appropriée à l'établissement de la sécurité collective.

Nous espérons également que notre nouveau statut de membre de l'Alliance récemment acquis ait un effet positif sur nos relations économiques. Si la Hongrie est déjà considérée comme une partie stable de l'Europe, elle sera encore plus attractive qu'elle ne l'est aujourd'hui en devenant un partenaire solide pour la coopération économique du point de vue des investissements étrangers.

Contribution aux objectifs communs

Pour être admis à l'Alliance, tous les pays candidats doivent remplir certain critères. Cela était également valable pour les trois nouveaux membres. Parmi les critères, les plus importants étaient l'établissement d'un système politique démocratique, une économie de marché efficace, l'existence de relations de bon voisinage avec les pays voisins, un contrôle démocratique et civil des forces armées et la capacité de coopérer avec les forces armées des autres États membres, c'est-à-dire, en un mot, l'interopérabilité. Il ne peut y avoir aucun doute, la Hongrie a pleinement rempli les critères politiques. Néanmoins, avec l'avancement de notre préparation et l'approche de la date d'accession, l'attention se concentrait de plus en plus sur les tâches qui restaient encore à accomplir.

Nous devons poursuivre la modernisation de nos forces armées et entreprendre des efforts particulièrement importants dans certains domaines cruciaux pour atteindre un niveau approprié d'interopérabilité. En revanche, la dite "interopérabilité des esprits", c'est-à-dire le facteur humain, est encore plus importante que le développement technique et les achats des équipements. Parallèlement, le gouvernement hongrois a clairement pris l'engagement d'être en mesure, dès son accession, d'accomplir les tâches quotidiennes de la coopération. Bien évidemment, cela exige également que nous maintenions nos dépenses militaires au niveau requis. Dans cette perspective, il existe des conditions économiques préalables : le pays est sur la voie d'une croissance économique durable qui nous permet d'augmenter régulièrement la part de notre PIB consacrée aux dépenses militaires pour qu'elles atteignent le niveau de 1,81% d'ici 2001. Concrètement, cela représentera une augmentation annuelle de 8 à 10% de nos dépenses en matière de défense.

Nous sommes bien conscients du fait que sur le plan du potentiel strictement militaire, l'entrée de la Hongrie dans l'OTAN n'augmente pas de manière substantielle les forces communes de l'Alliance. Cependant, nous sommes convaincus qu'en tant que membre de l'OTAN, nous sommes en mesure de contribuer au maintien de la paix et au renforcement de la sécurité dans notre région. L'extension de la zone de stabilité et de sécurité et le recours à notre expérience dans cette région pleine de graves problèmes ethniques, politiques et économiques sont autant d'éléments qui expliquaient et justifiaient notre souhait d'appartenir au commandement du flanc Sud de l'OTAN.

Nous sommes conscients de notre responsabilité pour la sécurité dans notre région

Contrairement aux inquiétudes selon lesquelles l'élargissement de l'OTAN pourrait créer une nouvelle ligne de rupture dans notre région, nous pouvons faire remarquer sans ambiguïté que ce processus a eu un effet stabilisant sur les pays de la région en phase de transition et qu'il a contribué à renforcer la sécurité de la région et les relations bilatérales. L'entrée de la Hongrie a sans aucun doute influé de manière positive sur le développement de nos relations bilatérales avec nos voisins. Cela coïncide pleinement avec l'intention du gouvernement hongrois : nous nous efforçons de nous impliquer plus activement qu'auparavant dans la coopération bilatérale, régionale et sub-régionale. Nous accordons une attention toute particulière au respect des obligations contenues dans les traités de base et à la résolution des problèmes qui n'ont pas été réglés par ces traités, en interprétant ces actions comme une contribution supplémentaire à la démocratisation et à la stabilité de notre région.

Dans le développement des relations avec nos pays voisins, nous partons du principe que les communautés hongroises vivant au-delà des frontières jouent un rôle important dans le renforcement de la stabilité et dans l'avancement de la prospérité économique en Europe Centrale. La politique étrangère hongroise souhaite en même temps contribuer à l'amélioration des relations avec les pays voisins, ainsi qu'à la protection des droits et de l'identité des minorités hongroises vivant à l'étranger. Nous sommes convaincus que ces deux aspects ne sont pas irréconciliables, mais au contraire, peuvent et doivent être mis en œuvre d'une manière concertée.

En poursuivant l'objectif de l'amélioration de la stabilité régionale, la Hongrie a intérêt à maintenir et à renforcer l'engagement euro-atlantique de ses voisins. Ainsi, notre pays accorde-t-il une grande importance au maintien de la crédibilité du processus d'élargissement de l'OTAN et souhaite-t-il apporter une aide active et pratique à la préparation de ses voisins à l'admission. Parmi d'autres, cela fut notamment une des raisons pour la création du bataillon roumano-hongrois de maintien de la paix, pour la formation de la brigade hungaro-italo-slovène, et pour la volonté hongroise pour que des consultations et des échanges réguliers de nos expériences réciproques aient lieu avec nos voisins.

Nous sommes convaincus que l'élargissement est le moyen le plus efficace et le plus rentable pour renforcer d'avantage la sécurité en Europe. Nous avons un intérêt particulier à ce que nos voisins mentionnés au sommet de l'OTAN à Madrid, à savoir la Roumanie et la Slovénie, remplissent le plus rapidement possible les conditions requises pour devenir membre de l'Alliance et qu'ils y soient admis. Nous nous félicitons également de l'orientation résolument euro-atlantique du gouvernement Slovaque, grâce à laquelle il est devenu possible pour la Slovaquie de retrouver sa place à la fois au sein de la coopération Visegrád et parmi les pays qui ont les meilleures chances de s'intégrer dans les organisations euro-atlantiques. En outre, nous souhaitons continuer à jouer un rôle actif et à prendre des initiatives dans le cadre du Conseil de Partenariat Euro-Atlantique (CPEA) et dans celui du Partenariat pour la Paix (PpP). A notre avis, le CPEA peut apporter de nouvelles possibilités concrètes dans de nombreux domaines liés au sujet de la sécurité et de la coopération dans la région. La Hongrie souhaite également se servir de ce cadre pour apporter un soutien aux efforts pour l'intégration euro-atlantique des pays qui n'ont pas été admis au premier cercle de l'élargissement mais qui souhaitent entrer dans l'OTAN.

La meilleure utilisation des structures de coopération régionale existantes et la mise en place de nouvelles structures, si nécessaire, constituent non seulement d'importants facteurs de stabilité pour la région, mais font partie intégrante de l'ensemble de nos efforts d'intégration. A travers la coopération bilatérale et multilatérale des pays de la région, il sera possible d'éviter l'isolement ou une concurrence mal placée entre les pays bien engagés dans le processus d'intégration d'une part et, ceux qui ne sont qu'à la phase initiale de ce processus d'autre part.

L'entrée dans l'OTAN a ouvert un nouveau chapitre dans l'histoire moderne de la Hongrie. Elle a signifié le succès de l'un des objectifs stratégiques de la politique étrangère hongroise et a donné un nouvel élan à la coopération, tant avec nos alliés de l'OTAN qu'avec nos partenaires de la région euro-atlantique.

On dit fort justement : "Se trouver, c'est un début prometteur, rester ensemble, c'est un progrès, et travailler ensemble c'est la réussite." Si tel est le cas, nous avons tout le droit d'espérer une coopération fructueuse pour l'avenir.


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