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Les défis de l'an 2000 pour l'Union européenne
Par: Nicole FONTAINE* Envoyer l'article à un ami | Version imprimable
Nicole FONTAINE*
* Présidente du Parlement européen (1999 - 2002), ancien ministre
© 2000


Les défis de l'an 2000 sont de deux ordres pour l'Union Européenne. Tout d'abord internes: rapprocher l'Europe de ses citoyens par la concrétisation d'une "Europe du quotidien" et réformer les institutions européennes pour permettre d'engager efficacement le processus d'élargissement de l'Union à l'Est. Et ensuite externes: redéfinir et organiser nos relations avec nos partenaires, qu'il s'agisse des pays en voie de développement ou des pays industrialisés.




Je me réjouis de l'initiative du Forum Franco-Allemand de consacrer un numéro spécial aux défis de l'an 2000 et je tâcherai d'y apporter le point de vue du PE. Mais je tiens avant tout à vous dire à quel point j'ai été heureuse de participer aux manifestations organisées le 9 novembre à Berlin à l'occasion du 10ème anniversaire de la réunification allemande. J'ai tenu à y être présente pour témoigner de la dimension européenne de cette réunification. Les jeunes auxquels je me suis adressée sont l'avenir de l'Europe réunifiée. A nous, responsables politiques, économiques et sociaux de les convaincre de s'impliquer dans la construction de l'Union européenne du 21ème siècle.

Les défis de l'an 2000 sont de deux ordres pour l'Union Européenne. Tout d'abord internes : rapprocher l'Europe de ses citoyens par la concrétisation d'une " Europe du quotidien " et réformer les institutions européennes pour permettre d'engager efficacement le processus d'élargissement de l'Union à l'Est. Et ensuite externes : redéfinir et organiser nos relations avec nos partenaires, qu'il s'agisse des pays en voie de développement ou des pays industrialisés.

Au niveau interne, il est capital, si nous voulons que nos concitoyens développent un sentiment d'appartenance à l'Union, que nous agissions sur l'Europe du quotidien. Vous pouvez faire confiance au Parlement européen pour qu'il utilise au mieux le pouvoir de codécision qu'il détient avec le Conseil des Ministres afin que l'UE agisse dans ce sens.

Je pense notamment à la nécessité d'une véritable politique de santé et de sécurité alimentaire, à une politique de protection de l'environnement qui allie les intérêts des consommateurs à ceux des producteurs, à une politique sociale qui donne tout son sens au dialogue entre les partenaires sociaux et à une politique de l'éducation qui permette à tous nos jeunes de se sentir européens.

Je pense ensuite à la réforme des institutions qui est un préalable à tout nouvel élargissement. Vous le savez, une conférence intergouvernementale s'est s'ouverte au lendemain du Conseil Européen d'Helsinki qui a eu lieu les 10 et 11 décembre derniers. Le Parlement Européen a défendu son droit d'y être associé très étroitement car il est persuadé que, sous peine de dilution, l'Union doit réformer son processus décisionnel. Qui pourrait prétendre le contraire, quand, pour l'essentiel, ce processus notamment au niveau du Conseil des Ministres reste le même depuis la naissance de la Communauté Européenne, c'est-à-dire pour une Europe à 6. Hors c'est une Union européenne à au moins 27 membres qui se profile à l'horizon ... Et les Etats-membres ne doivent pas oublier que sans le feu vert du Parlement européen, il n'y aura pas d'élargissement.

Cette réforme doit également déboucher sur une Europe compréhensible à ses citoyens, d'où la nécessité de simplifier les traités. A titre personnel, je considère que la CIG doit approfondir une idée émise par M. Jean-Luc Dehaene et les deux autres sages qui ont remis un rapport à M. Prodi. Ils veulent renforcer l'autorité du Président de la Commission européenne et restructurer les traités en deux parties, l'une constitutionnelle, l'autre opérationnelle et qui pourrait faire l'objet d'adaptations plus souples. Cette approche relève de notre souci de "lisibilité de l'action de l'UE".

Je pense enfin à la concrétisation de l'espace de sécurité, de liberté et de justice dont le coup d'envoi a été donné par le Conseil européen de Tampere les 15 et 16 octobre derniers. Certes, l'impulsion y a été donnée mais il s'agit maintenant de passer à l'acte. Le PE exercera toutes les pressions nécessaires sur le Conseil des Ministres pour qu'il avance rapidement. Il utilisera à cette fin les échéances que le Conseil européen s'est lui-même imposées ainsi que le "tableau de bord" que la Commission européenne devra présenter régulièrement. Dans ce domaine, notre parlement aura toujours à l'esprit que tous les aspects de cet espace touchent directement nos concitoyens dans leur vie quotidienne. Il s'agit notamment de l'espace judiciaire qui doit se traduire par une justice facilement accessible au citoyen quel que soit l'Etat dans lequel il réside; d'accélérer les procédures de reconnaissance mutuelle des jugements; de lutter contre la criminalité et en particulier contre le blanchiment de l'argent et le trafic de drogue; de mettre en oeuvre une politique de l'immigration ce qui suppose un traitement équitable des ressortissants des pays tiers résidant légalement dans les Etats membres et de lutter contre l'immigration clandestine en évitant les amalgames entre immigrés clandestins d'une part et demandeurs d'asile d'autre part.

En matière internationale, l'Union Européenne doit faire preuve de sa capacité à développer une politique étrangère et de sécurité commune digne de ce nom. Elle n'a pas su réagir à temps au drame bosniaque. En revanche, pour la première fois de leur histoire, les 15 ont su répondre d'une seule voix au déferlement de la violence et de la haine au Kosovo. Certes, la prééminence américaine est indéniable mais je suis convaincue que dans quelques années tout le monde dira que l'Europe politique est née au Kosovo. J'ai pu le constater à l'occasion de la visite que j'ai effectuée à Pristina et à Mitrovica, les 20 et 21 septembre 1999, où j'ai saisi à quel point les populations attendent de l'Union qu'elle les aide sur la voie de la paix et de la reconstruction. Il reste à savoir si l'UE pourra apporter sa pierre à la réconciliation. Des coeurs saignent encore et le chemin sera long. Pourtant le maintien d'un Kosovo multiethnique a été la raison même de l'engagement de la Communauté internationale.

Il n'y a pas de politique étrangère et de sécurité sans politique commune d'armement. A ce propos, je considère que les récentes alliances franco-allemandes dans le domaine des industries de défense sont des exemples à suivre. Pour sa part, le Parlement européen travaillera très étroitement dans ce domaine avec "M. PESC" qui est déjà intervenu en plénière le 17 novembre 1999 et s'est engagé à entretenir d'étroites relations avec notre institution. Il manquait à l'Union une voix et un visage et nous les avons trouvés en la personne de M. Javier Solana. Il peut compter sur notre soutien.

Il nous faut enfin, et cela démontre à quel point nos politiques internes et externes sont liées, réussir à redéfinir les règles qui président à l'Organisation Mondiale du Commerce. Tout démontre en effet que nos opinions publiques sont de plus en plus conscientes des excès que peut engendrer une mondialisation mal maîtrisée. Il ne suffit pas de parler d'échanges, il faut aussi garantir que la libéralisation ne nuit pas à la santé de nos concitoyens et surtout ne remet pas en cause les modèles de société qui sont les leurs.


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