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Honoré de Balzac... un visionnaire ou un observateur ?
Par: Ph. Hamon et D. Roger-Vasselin Envoyer l'article à un ami | Version imprimable
H. de BALZAC
Le Robert des grands écrivains de langue française, sous la direction de Ph. Hamon et D. Roger-Vasselin
© Dictionnaires Le Robert, 2000


Malgré une production abondante et variée (chroniques de presse, pièces de théâtre, contes...), Balzac est surtout l'auteur titanesque de La Comédie humaine, fresque essentiellement romanesque qui l'occupa jusqu'à l'épuisement, pendant la seconde moitié de sa vie. Souvent salué comme le premier des grands romanciers « réalistes » — lui-même se définit, dans l'Avant-propos de La Comédie humaine, comme le « secrétaire » de la société —, il s'impose aussi comme un visionnaire: ses figures, ses intrigues, ses décors offrent du monde réel, grâce à la puissance et à la cohérence de la création romanesque, un simulacre troublant et, à certains égards, fantastique.


Dès 1844, Gobineau prédisait : «Nous ne serions point surpris que la postérité en fit quelque jour le type même de l'auteur de romans». La prophétie s'est réalisée. Plus goûté du public que respecté par la critique de son vivant, Balzac bénéficia, après sa mort, du triomphe du « réalisme » dans le roman. Mais, si Champfleury le comparait à Homère, c'est parce que tous deux avaient été les grands « naturalistes » de leur temps. Héraut de la modernité, Baudelaire se montra plus pénétrant : «Car les héros de l'Iliade ne vont qu'à votre cheville, ô Vautrin, ô Rastignac, ô Birotteau!» Et d'ajouter : «J'ai maintes fois été étonné que la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur ; il m'avait toujours semblé que son principal mérite était d'être visionnaire» (L'Art romantique). Zola, de son côté, déplorait que «la peinture exacte de la nature humaine» le cédât trop souvent, dans La Comédie humaine, à une «imagination déréglée».

Au XXe siècle, Balzac s'imposa d'abord comme un génial observateur de la société pré-capitaliste, au point que son œuvre, écrite «à la lueur des deux Vérités éternelles : la Religion, la Monarchie» (Avant-propos de La Comédie humaine), apparut à des critiques d'inspiration marxiste (Georg Lukacs, André Wurmser, Pierre Barbéris) comme la meilleure analyse des rouages d'un système économique où triomphent des égoïsmes qui ne s'assouvissent que par l'exploitation d'autrui. Aux défenseurs du Nouveau Roman, dans les années 1950, le roman balzacien servit trop souvent de bouc émissaire, soit qu'on vît en lui le représentant de «notions périmées» (Robbe-Grillet) comme le personnage ou l'intrigue, soit qu'on reprochât à ses descriptions d'être redondantes par rapport aux dialogues ou à l'observation des comportement (Ricardou). Que n'a-t-on dit à son propos sur l'omniscience du narrateur, symbole des conventions du roman traditionnel, alors que La Comédie humaine varie les points de vue à l'intérieur de ses récits et offre même une intéressante diversité formelle (roman par lettres comme Mémoires de deux jeunes mariées, à la 1re personne comme Le Lys dans la vallée) ! Pour avoir suscité des « dictionnaires » de ses personnages fictifs aussi bien que des études inspirées par la sémiotique (S/Z de Barthes, 1970), celui que l'un de ses meilleurs biographes, André Maurois, rebaptisa Prométhée (Prométhée ou la Vie de Balzac, 1965) a, en somme, réalisé le rêve de tout romancier ambitieux : créer l'illusion que ce qu'il invente est vrai, et inciter les meilleurs critiques à analyser comment il y est parvenu. C'est aussi pourquoi Balzac reste l'un des auteurs les plus souvent adaptés à l'écran, tant au cinéma qu'à la télévision.

Depuis les années 1949-1950, commémorant consécutivement le 150e anniversaire de sa naissance et le centenaire de sa mort, les études balzaciennes ont connu un prodigieux essor, concrétisé par la création des revues Le Courrier balzacien (déc. 1948), Les Études balzaciennes (1951) et L'Année balzacienne (1960), et par une nouvelle édition de La Comédie humaine, sous la direction de Pierre-Georges Castex, dans la « Bibliothèque de la Pléiade » (1976 à 1981, 12 vol.), complétée par une édition des Œuvres diverses (1990 et 1996, 2 vol.). Entre-temps, Roger Pierrot a mené à bien les monumentales éditions de la Correspondance de Balzac (1960 à 1969, 5 vol.), puis de l'intégralité des Lettres à Madame Hanska (1967 à 1971, 4 vol.). En 1999, les célébrations du bicentenaire de la naissance de Balzac — avec notamment le téléfilm Balzac de Josée Dayan, interprété par Gérard Depardieu — ont confirmé la vitalité d'une œuvre et d'un écrivain passionnément admirés.

Le Robert des grands écrivains de langue française, sous la direction de Ph. Hamon et D. Roger-Vasselin - © Dictionnaires Le Robert, 2000.

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