REVUE: ECONOMIE
Accueil
Europe
Pesc-Défense
Droit
Economie
Culture

Les relations commerciales Europe - Etats-Unis
Par: Pascal LAMY* Envoyer l'article à un ami | Version imprimable
Pascal LAMY*
* Commissaire européen au commerce (1999 - 2004)
© 2001


Dans cet interview accordé au Forum Franco-Allemand, le Commissaire européen au Commerce, Pascal Lamy, revient sur les différentes conflits commerciaux qui ont opposés l'Union Européenne et son partenaire américain: la question des bananes (résolue à présent), celle du bœuf aux hormones, le système américain des sociétés de vente à l'étranger. Il évoque le lancement d'un futur cycle de négociations commerciales. Enfin, il nous fait part de la manière dont lui-même et son homologue américain, Bob Zoellick, envisagent leur relations: " Nous avons la même conception de base des principes fondamentaux de notre mission. Nous situons les relations commerciales dans un contexte stratégique et global plus large. Nous croyons tous deux à la nécessité de faire participer les pays en développement au système mondial des échanges commerciaux…"




Forum Franco-Allemand : Vous avez récemment rencontré votre homologue américain, le secrétaire d'État au Commerce Robert Zoellick, à Washington DC. Quel a été le résultat de votre entretien?

Palscal Lamy : Il s'agissait de notre première rencontre dans le cadre de nos attributions "commerciales", mais Bob Zoellick et moi nous nous connaissons depuis l'époque où nous travaillions comme "sherpas" pour les réunions du G7. Je pense que le point d'accord le plus important qui se dégage de notre entrevue est le suivant : nous sommes conscients qu'il nous arrivera inévitablement de devoir défendre nos camps respectifs sur des sujets précis, mais nous partageons l'avis selon lequel il est de l'intérêt commun de l'Union européenne et des États-Unis de collaborer pour faire avancer le programme des négociations commerciales mondiales. Nous avons la même conception de base des principes fondamentaux de notre mission.

Bob Zoellick et moi-même situons les relations commerciales dans un contexte stratégique et global plus large. Nous croyons tous deux à la nécessité de faire participer les pays en développement au système mondial des échanges commerciaux, et sommes l'un et l'autre concernés par des sujets importants comme l'accès, à un prix abordable, aux médicaments de lutte contre les maladies mortelles. Cette position reflète le fait que, depuis le "siège" de Seattle, la question des échanges commerciaux n'est plus l'apanage des techniciens mais revêt à présent un caractère très politique.

J'ai été heureux d'apprendre de Bob Zoellick que les États-Unis sont attachés au système de commerce multilatéral et au lancement d'un nouveau cycle, tout en restant soucieux des échanges régionaux. De fait, si la priorité principale de l'Union est de lancer un nouveau cycle, nous poursuivons nous aussi des intérêts régionaux, notamment par les négociations que nous menons avec le Chili et le Mercosur. Il est essentiel que nous collaborions pour relancer le processus de l'OMC, et je suis certain que nous y parviendrons.

Forum Franco-Allemand : On entend beaucoup parler des conflits commerciaux entre l'UE et les États-Unis. Avez-vous abordé ce sujet, et, si oui, êtes-vous parvenus à des résultats?

P. Lamy : Il est évident que nous avons consacré un certain temps à nos problèmes bilatéraux — nous avons par exemple étudié la question des bananes (que nous pensons avoir à présent résolue), celle du bœuf aux hormones, ainsi que le système américain des sociétés de vente à l'étranger ("foreign Sales Corporations"). Quels que soient nos différends, nous sommes d'accord sur un point fondamental: la nécessité de respecter les règles de l'OMC, aux États-Unis comme dans l'Union européenne. N'oublions pas qu'il ne s'agit là que d'environ 2% de nos échanges commerciaux. Compte tenu du volume considérable d'échanges qu'il nous faut traiter, il est inévitable que des problèmes surviennent de temps à autre: alors ne perdons pas de vue l'essentiel. Notre stratégie consiste à essayer de résoudre les problèmes ou, tout au moins, à les gérer de manière raisonnable et pragmatique. Comme vous le savez, cette méthode s'est déjà révélée concluante dans le cas des bananes. Je suis convaincu que nous pourrons continuer à travailler ainsi avec le nouveau gouvernement et, ce qui est tout aussi important, avec le Congrès.

Lorsque j'ai pris mes fonctions en septembre 1999, je me suis engagé à tout mettre en œuvre pour que l'Union se conforme aux décisions du groupe spécial de l'OMC qui n'étaient pas en notre faveur. Dans le cas des bananes, la tâche s'est révélée particulièrement difficile, mais nous avons construit les bases d'un accord devant mettre fin à un conflit qui, trop longtemps, a empoisonné les relations transatlantiques. Mon collègue Franz Fischler, Commissaire européen chargé de l'agriculture, et moi-même, avons déployé de nombreux efforts pour modifier la réglementation commerciale appliquée aux bananes et la rendre conforme aux règles de l'OMC. Enfin, à l'issue de négociations intensives menées à la mi-avril avec nos homologues américains, nous sommes parvenus à nous entendre sur une formule qui, selon nous, devrait convenir à toutes les parties. Le nouveau régime constituera une mesure de transition vers le système exclusivement tarifaire qui devrait entrer en vigueur d'ici 2006. Dans l'intervalle, les bananes importées dans l'Union européenne seront admises au moyen de licences accordées en fonction des volumes d'échanges passés. Le 1er juillet 2001, les États-Unis suspendront les sanctions appliquées aux importations de l'Union depuis 1999.

Forum : À Washington, vous avez mentionné l'industrie sidérurgique comme un point névralgique potentiel. Que vouliez-vous dire?

P. Lamy : Nous savons tous combien l'industrie sidérurgique est une question sensible et importante. Or, pour que cette branche puisse survivre dans le contexte actuel de la globalisation, les producteurs doivent être compétitifs, mais il faut que les conditions de concurrence soient équitables. Dans l'Union européenne, l'industrie sidérurgique a dû subir un processus de rationalisation douloureux, mais finalement efficace, consistant à réduire les capacités excédentaires et à améliorer l'efficacité et la qualité. Or, aux États-Unis, ce secteur a eu recours à des mesures antidumping et à des clauses de sauvegarde, et le problème devient très sérieux. Dans une telle situation, je crains qu'un conflit ne se profile.

Forum : D'après vous, quelles seront les principales questions commerciales à l'ordre du jour en 2001, et quels résultats espérez-vous?

P. Lamy : La préparation du nouveau cycle constitue notre priorité absolue sur l'ensemble de cette année et nous espérons que la 4e conférence ministérielle de l'OMC, qui se tiendra à Qatar au mois de novembre, aboutira au lancement des négociations. Il nous faut convaincre les électeurs des deux côtés de l'Atlantique, ainsi que le reste du monde, de la nécessité réelle et pratique d'un nouveau cycle. Ce dernier doit poursuivre les travaux menés traditionnellement par l'OMC pour aider les producteurs, les exportateurs et les importateurs en facilitant l'accès au marché dans tous les domaines. Il doit néanmoins également tenir compte des préoccupations soulevées par une société civile qui s'intéresse plus que jamais aux questions commerciales. Enfin, il doit accorder plus d'attention aux besoins et aux aspirations des pays les moins développés, tout en agissant en faveur du développement durable. Parmi les autres grands thèmes commerciaux qui, selon moi, seront abordés cette année, figure le processus d'adhésion de la Chine à l'OMC. La participation de ce pays ferait de l'OMC une véritable organisation MONDIALE du commerce, et ce pas doit être franchi rapidement.

Forum : Pensez-vous que l'année 2001 sera marquée par le début d'un nouveau cycle de négociations commerciales?

P. Lamy : Je n'ai pas de boule de cristal, mais je l'espère, et l'Union continuera à tout mettre en œuvre pour concrétiser ce projet. J'estime néanmoins que la probabilité qu'un nouveau cycle soit lancé cette année est plus élevée qu'auparavant. Comme je l'ai déjà dit, la date a été fixée à novembre, ce qui nous donne un objectif. Il me semble qu'à l'échelle mondiale, un certain nombre de pays sont conscients du fait que si l'on retarde l'échéance, le système même de l'OMC sera sérieusement ébranlé. Ce sont les pays en développement qui auraient le plus à perdre, car leur pouvoir de négociation dans le cadre d'accords régionaux et bilatéraux n'est pas comparable à ce qu'il pourrait être au sein de l'OMC. Je crois que les rumeurs d'une récession économique mondiale vont inciter toutes les parties à se concentrer sur le lancement des négociations. Un nouveau cycle représente réellement la meilleure assurance contre la récession car il contribue à créer les conditions d'une croissance économique continue.


© Copyright 2004 LEFORUM.de

Haut de Page


Rechercher :