REVUE: ECONOMIE
Accueil
Europe
Pesc-Défense
Droit
Economie
Culture

L'euro, facteur de stabilité et de croissance
Par: Jean-Claude TRICHET* Envoyer l'article à un ami | Version imprimable
Jean-Claude TRICHET*
* Gouverneur de la Banque de France (1993 - 2003) - Président de la BCE (2003...)
© 2000


Si une politique monétaire appropriée est une condition nécessaire à de bonnes performances économiques, elle n'est pas une condition suffisante pour garantir à elle seule croissance, création d'emplois et lutte efficace contre le chômage. Les banques centrales ne "commandent" ni la croissance, ni la création d'emplois. Une part importante du taux de chômage européen peut être qualifiée de structurelle, et c'est sur cette composante que les pays de la zone euro doivent faire porter l'essentiel de leur effort. Il faut avant tout lutter contre les rigidités, institutionnelles notamment, qui pourraient brider le recours à l'emploi lors des phases d'expansion de l'activité.




Le 1er janvier 1999 s'est produit un événement exceptionnel dans l'histoire de l'Europe : l'euro est né, réalisant le projet des pères fondateurs de l'Europe.

L'euro marque le couronnement du marché unique

L'euro s'appuie sur les fondations du Traité de Rome de 1957 et l'Acte Unique Européen qui ont mis en place le marché unique le plus vaste du monde.

Les avantages de ce grand marché en termes de taille sont nombreux : il permet la réalisation d'importantes économies d'échelle ; il crée les conditions d'une meilleure affectation de l'épargne aux investissements les plus rentables ; il permet aux entreprises de lever des ressources à de meilleures conditions sur des marchés de capitaux très liquides.

L'Union économique et monétaire apparaît comme le couronnement du marché unique : suppression des fluctuations de taux de change et des risques de change, donc du principal obstacle subsistant à la circulation fluide des biens, des services et des capitaux ; création d'un vaste et profond marché financier unifié ; mise à la disposition de l'ensemble des citoyens européens d'un instrument monétaire unique utilisable dans un vaste marché unifié.

L'euro est aussi un formidable facteur de stabilité et de croissance

Plus concrètement, l'euro est un atout pour les entreprises européennes ; il facilite la vie des entreprises dans tous les domaines de leur activité : notamment, les investissements productifs sont encouragés dans un contexte d'incertitude réduite et l'organisation de la production est facilitée par l'absence de fluctuation de changes entre les pays.

La politique monétaire de la zone euro est axée sur la stabilité des prix

L'objectif principal de stabilité des prix est inscrit dans le traité de Maastricht ; il s'inscrit dans la continuité de la politique monétaire française et fait l'objet d'un vaste consensus trans-partisan et d'un soutien profond des citoyens français attachés à la stabilité de leur monnaie.

Dans ce contexte, la contribution la plus importante de la politique monétaire en vue de tirer pleinement les avantages de l'UEM consiste précisément à maintenir la stabilité des prix dans la zone euro, c'est-à-dire une inflation inférieure à 2 %.

En axant la politique monétaire sur la stabilité des prix, on s'assure qu'elle apporte la meilleure contribution possible aux objectifs économiques généraux de la communauté, en particulier celui d'une croissance durable et non inflationniste.

Cette priorité accordée à la stabilité des prix trouve son fondement dans toute une série d'études économiques mais surtout dans des décennies d'expérience montrant qu'une politique monétaire préservant la stabilité des prix apporte la meilleure contribution à l'amélioration des perspectives économiques et à l'évolution du niveau de vie.

La politique monétaire ne peut cependant tout faire

Si une politique monétaire appropriée est une condition nécessaire à de bonnes performances économiques, elle n'est pas une condition suffisante pour garantir à elle seule croissance, création d'emplois et lutte efficace contre le chômage. Les banques centrales ne "commandent" ni la croissance, ni la création d'emplois.

Même lors des phases de croissance rapide de l'activité, les pays membres de l'Union monétaire continuent de faire face à des taux de chômage très élevés. Ainsi, entre 1986 et 1990, alors que la croissance du PIB avait atteint 3,3 % en moyenne dans la zone, le taux de chômage ne s'était réduit que de 2 points, pour atteindre encore 8,6 % de la population active en 1990. De même, malgré un épisode de ralentissement transitoire autour de l'hiver 1998/1999 lié à la crise des pays émergents, les pays de la zone euro traversent depuis le milieu de l'année 1996 une phase de reprise de l'activité. Or, leur taux de chômage moyen reste, à la fin de l'année 1999, à peine inférieur à 10 %. Une part importante du taux de chômage européen peut donc être qualifiée de structurelle, et c'est sur cette composante que ces pays doivent faire porter l'essentiel de leur effort.

Il faut avant tout lutter contre les rigidités, institutionnelles notamment, qui pourraient brider le recours à l'emploi lors des phases d'expansion de l'activité. La plus grande fluidité possible du marché du travail doit être recherchée. De ce point de vue, la réforme menée en France depuis la seconde moitié des années 1980, suivie par d'autres pays, au milieu des années 1990, des formes de contrats de travail dits "atypiques" (temps partiel, contrats à durée déterminée, intérim), est de nature à amoindrir la part structurelle du chômage. De même, il convient de rechercher la meilleure adéquation possible entre le coût de la productivité et le travail. Le démantèlement des mécanismes d'indexation qui distendent le lien entre salaire et productivité, entamé dans l'ensemble des pays de la zone au cours des années 1980, est là aussi le moyen d'assurer une meilleure réactivité de l'emploi à l'activité, et de freiner la substitution de capital au travail. La modulation du poids des charges sociales en fonction des niveaux de formation, et donc de productivité, des salariés, est également une piste. A ce titre, l'expérience française de "ristourne unique dégressive", menée depuis 1993, qui conduit à réduire le taux des cotisations sociales sur les bas salaires, semble avoir contribué positivement à l'amélioration de la situation de l'emploi en France, en 1998 et 1999.

D'une manière générale, c'est l'ensemble des forces qui concourent à la croissance qu'il convient de libérer, afin d'éviter que les entreprises se trouvent freinées dans leur expansion. L'innovation technologique, qui permet une amélioration du potentiel productif, doit faire l'objet de toute l'attention des autorités politiques.

En garantissant un cadre plus sûr aux entreprises, qui ne sont plus confrontées aux effets dévastateurs des réalignements monétaires au sein de l'Union monétaire, l'euro participe à la création d'un environnement favorable au développement de l'investissement et de l'emploi. Il reste à surmonter les obstacles structurels qui peuvent encore entraver cette expansion.


© Copyright 2004 LEFORUM.de

Haut de Page


Rechercher :