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Star Alliance et ses conséquences pour le marché européen
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Jürgen WEBER*
* Président-Directeur Général de LUFTHANSA (1990 - 2002)
© 1999


La mondialisation croissante remet en cause le monde de l'aéronautique qui se caractérisait par ses missions d'ordre national, ses accords aéronautiques bilatéraux, ses compagnies aériennes autonomes, sa limitation d'accès au marché, ses prix imposés et sa législation issue de négociations bilatérales. Un marché toujours plus ouvert, la déréglementation des tarifs et la mise en œuvre des accords "open sky" ont conduit les compagnies aériennes à mettre en place des alliances stratégiques avec d'autres compagnies, comme dans le cas de Star Alliance.


Aujourd'hui, la mondialisation et la concurrence sont devenues des paramètres décisifs pour le transport aérien. Depuis les années 80 et l'Acte unique européen, l'Europe a repris le processus de déréglementation et de privatisation de l'industrie aéronautique - processus provenant des Etats-Unis et accompagnant la mondialisation - et l'a, en partie, mené à bien grâce à la troisième série de textes législatifs de 1993 consacrés à la libéralisation. La mondialisation et l'Europe ne s'opposent pas, elles se complètent, la mondialisation étant un moteur de l'évolution européenne. Dans ces circonstances, Lufthansa s'est rapprochée en 1997 - en prenant appui sur des relations préexistantes - des compagnies United Airlines, SAS, Varig, Air Canada, Thai Airways pour former Star Alliance qui en 1999 accueillera également Ansett Australia, Air New Zealand et All Nippon Airways.

Que signifient ces changements de fond pour le transport aérien ? La mondialisation croissante remet en cause le monde de l'aéronautique qui se caractérisait par ses missions d'ordre national, ses accords aéronautiques bilatéraux, ses compagnies aériennes autonomes, sa limitation d'accès au marché, ses prix imposés et sa législation issue de négociations bilatérales. Même si ces conditions persistent partiellement dans de nombreux marchés, la plupart des compagnies aériennes sont de plus en plus disposées à affronter la situation d'un marché toujours plus ouvert, de tarifs déréglementés et d'accords "open sky" (accords ciel ouvert). Des compagnies au champ d'activités mondiales comme Lufthansa sont de moins en moins présentes sur les marchés purement bilatéraux, voire même sur le marché des vols non-stop transportant les passagers d'une ville à l'autre. Les utilisateurs pensent et agissent eux aussi de plus en plus souvent à une échelle mondiale. Aujourd'hui, l'existence de réseaux intégrés avec des plates-formes comprenant un système de navettes reliant les vols entre deux destinations est capitale. Ces réseaux font l'objet d'une concurrence féroce ; les prix sont devenus un paramètre essentiel et les contraintes financières sont plus importantes.

C'est par l'intermédiaire d'alliances stratégiques que les compagnies aériennes d'aujourd'hui tissent ces réseaux. Ces alliances reposent sur une philosophie de la coopération considérant les entreprises concernées comme des "global player". Parallèlement, la concurrence s'intensifie entre les alliances. Au sein même d'une alliance des partenaires peuvent parfois se retrouver en concurrence sur certains marchés. On appelle cela la "coopetition", un marché qui se caractérise à la fois par la concurrence et la coopération.

Pourquoi existe-t-il des alliances stratégiques et non d'autres formes de coopération ? L'une des raisons se trouve dans la législation en matière de droit des sociétés et dans les réglementations en vigueur qui ne permettent pas encore, à l'heure actuelle, les prises de participation majoritaire transnationale au sein de l'aéronautique. Ainsi, des actionnaires étrangers ne peuvent posséder plus de 49,9% des parts en Europe ; cette participation est même limitée à 24,9% aux Etats-Unis.

Les utilisateurs bénéficient, eux aussi, de beaucoup d'avantages offerts par les alliances : à travers l'offre du réseau global, ils peuvent profiter de meilleures correspondances, de vols sans heures d'attente grâce à la mise en œuvre de transferts perfectionnés et d'horaires harmonisés ; ils bénéficient également de la validation de leurs bonus fréquence et de la reconnaissance de leur statut dans le monde entier. Pour les compagnies aériennes, ces alliances constituent des synergies qui renforcent leur présence globale, par exemple dans les domaines de l'organisation des réseaux, du marketing et de l'approvisionnement. Elles facilitent l'accès aux marchés en augmentant la clientèle potentielle. Il en résulte des possibilités substantielles de réduire les coûts ; ainsi, les compagnies peuvent mieux faire face à la pression croissante de la concurrence mondiale. Par ailleurs, les ressources naturelles limitées seront mieux employées lorsque le transport d'un plus grand nombre de passagers se fera avec moins d'avions. Cela contribue aussi à protéger l'environnement.

La constitution d'alliances se développe de plus en plus. Au XXIe siècle, la concurrence aéronautique se jouera entre de telles alliances. On trouve actuellement dans le monde essentiellement quatre grandes alliances, plus ou moins bien organisées, auxquelles s'ajoutent des compagnies aériennes régionales aux compétences locales : il s'agit de Star Alliance, de Oneworld (entre autres American Airlines, British Airways et probablement Japan Airlines), du groupe Atlantic Excellence/Qualifyer autour de Delta et de Swissair ainsi que du groupe Wings composé de Northwest, KLM et Alitalia. Il faut également citer Air France qui est en relation avec Continental et Delta. Le processus de consolidation dans l'aéronautique européenne se poursuivra à l'intérieur de ces systèmes d'alliances.

Star Alliance se détache des autres alliances grâce à ses produits d'envergure mondiale. Pour le consommateur européen, elle revient à offrir plus de 700 correspondances sur le réseau intégré. D'une part, Star Alliance répond à la demande résultant de l'augmentation du nombre des passagers à l'intérieur de l'Europe provoquée par l'accentuation de l'interdépendance politique et économique ; d'autre part, en ce qui concerne le trafic intercontinental, elle satisfait les besoins de mobilité des consommateurs européens à l'échelle mondiale. Ainsi, grâce à sa présence dans le monde entier, Star Alliance est de toute première importance pour Lufthansa et ses partenaires.

Puisque les différents systèmes d'alliances sont en situation de concurrence, le client bénéficie d'un plus grand choix. Ainsi les plates-formes européennes de Star Alliance à Francfort, Munich, Copenhague, Stockholm et Oslo se retrouvent-elles dans une situation de concurrence de plus en plus vive par rapport à celles des autres alliances, notamment Londres, Paris, Amsterdam, Zurich, Vienne, Bruxelles, Rome et Milan ; en effet, elles peuvent être utilisées par les voyageurs sans pratiquement aucune perte de temps pour effectuer une correspondance. C'est pourquoi la concurrence s'intensifie non seulement entre les alliances, mais aussi entre les aéroports.

Malgré la forte concurrence qui règne entre elles, les compagnies aériennes sont d'accord sur le fait que l'Europe doit veiller à conserver les libertés acquises par la libéralisation pour créer de l'emploi et rester concurrentielle sur le marché mondial du transport aérien. L'évolution paraît jusqu'ici encourageante. En 1998, le nombre des passagers voyageant à bord des compagnies européennes a augmenté de 18 millions pour atteindre 117 millions. Cependant, le marché aéronautique obéit à une logique cyclique, dépendant d'influences externes. Les alliances ont une fonction stabilisatrice.

Malgré des progrès indéniables, le secteur du transport aérien européen demeure fortement fragmenté et de nombreuses limitations ou inégalités des conditions de concurrence perdurent. Ainsi le marché aéronautique allemand est-il largement libéralisé par rapport à celui de la Grande-Bretagne. Alors que deux compagnies non-britanniques seulement - en réalité américaines - assurent des vols vers les Etats-Unis (marché en plein essor) depuis des aéroports britanniques, il y a au total douze concurrents de Lufthansa qui partent vers cette destination depuis Francfort. Par ailleurs, un certain nombre de compagnies de l'UE, comme Alitalia, Air France et Olympic, restent tributaires d'aides publiques et ont bénéficié de subventions à hauteur d'environ 20 milliards de marks depuis 1991. Lufthansa et Skandinavian Airlines ne faisaient pas partie des bénéficiaires.

En ce qui concerne le cadre législatif européen, il est primordial pour les partenaires de Star Alliance que les alliances soient autorisées à très court terme à l'exemple de celles qui ont été autorisées aux Etats-Unis en 1996. A l'heure actuelle, plusieurs procédures sont engagées par la Commission de l'UE sur les alliances transatlantiques pour vérifier le respect de la législation en matière de concurrence. La coopération européenne des membres de Star Alliance, Lufthansa et SAS a déjà été autorisée par la Commission en 1996.

Ces alliances sont également importantes pour l'évolution future de l'Europe, lorsque l'élargissement à l'Est s'achèvera à l'aube du nouveau millénaire. Actuellement, on peut déjà prévoir que l'intégration de l'ensemble de l'Europe se fera, dans une large mesure, par la création de réseaux de transport paneuropéens. Star Alliance aura un rôle important à jouer dans le domaine du transport aérien.

Traduction Forum

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