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Français, Allemands et Euro
Par: Jean BOISSONNAT* Envoyer l'article à un ami | Version imprimable
Jean BOISSONNAT*
* Économiste - Ancien membre du Conseil de la Politique Monétaire de la Banque de France
© 1998


Pour la première fois, l'Union Européenne se dote, avec la Banque centrale, d'un exécutif européen à caractère fédéral, ce que ne sont ni la Commission de Bruxelles (qui ne dispose pas du pouvoir final), ni le Conseil des Ministres européen (lequel n'est composé que de ministres appartenant à des gouvernements nationaux). Cela devrait lever le tabou qui pèse sur la question d'un fédéralisme européen, lequel ne peut être que politique dans ses fondements et dans ses finalités.


Si l'on en croit les sondages, l'opinion est plutôt favorable à l'euro en France; plutôt défavorable en Allemagne. Monétairement, cela peut se comprendre. Politiquement, c'est plus paradoxal.

Du point de bue monétaire, l'abandon de la monnaie nationale n'est facile pour personne. Dans France, il y a franc. En Allemagne, le redressement économique du pays, ainsi que la reconquête de sa souveraineté et, enfin, la reconstitution de son unité, se sont faits sous le patronage du mark. Au XXe siècle, celui-ci aura été un symbole encore plus fort que le franc, pour les populations concernées. Pour un Allemand, l'abandon du mark au profit de l'euro, représente à peu près l'équivalent de ce que serait pour un Français, l'abandon du drapeau tricolore. Il aura donc fallu aux autorités politiques de la République fédérale, un grand courage pour entraîner leurs électeurs dans une direction qui ne paraissait pas évidente à ceux-ci. Le Chancelier Kohl a joué un rôle décisif dans ce choix. Mais tous les grands partis ont accepté celui-ci, à la seule exception des anciens communistes d'Allemagne orientale.

Le paradoxe apparaît lorsqu'on lit les propos de nombreux responsables outre-Rhin, comparés à ceux des responsables français. L'Allemagne avait beaucoup insisté, lors de la négociation du Traité de Maastricht, pour que l'union politique avance aussi vite que l'union monétaire. Or, aujourd'hui, on met l'accent, outre-Rhin, sur la nécessité de maintenir la gestion de l'euro à l'écart de la politique, en particulier sur le respect absolu de l'indépendance de la Banque centrale européenne à l'égard des gouvernements. Sans remettre en cause cette indépendance, il faut pourtant bien voir que l'union monétaire ouvre une perspective nouvelle à l'union politique. Pour la première fois, l'Union européenne se dote, avec la Banque centrale, d'un exécutif européen à caractère fédéral, ce que ne sont ni la Commission de Bruxelles (qui ne dispose pas du pouvoir final), ni le Conseil des Ministres européens (lequel n'est composé que de ministres appartenant à des gouvernements nationaux). Cela devrait lever le tabou qui pèse sur la question d'un fédéralisme européen, lequel ne peut être que politique dans ses fondements et dans ses finalités. En outre, la création de l'euro ne va pas seulement changer les comptes; elle va aussi changer les têtes. Pour la première fois, tous les Européens vont avoir entre leurs mains, le symbole concret de leur appartenance à une autre Communauté qu'à leur communauté nationale. Ainsi l'euro crée les conditions d'une union politique originale. Les Allemands devraient être les premiers à s'en réjouir, eux qui reprochent, non sans raison, aux Français d'avoir freiné la réalisation d'une Europe politique.

Symétriquement, la France redécouvre ses propres contradictions à l'occasion de la mise en œuvre de la monnaie unique. Elle ne veut pas que celle-ci impose, seule, sa ligne politique à l'Union européenne. Elle craint que la nouvelle Banque centrale ne se mêle non seulement de monnaie (c'est sa compétence) mais aussi de budget, de fiscalité, de protection sociale et donc, finalement, de politique. Elle réclame une autorité politique d'un poids équivalent, c'est-à-dire à caractère fédéral, expression jusqu'à présent "interdite" sur le territoire français.

En résumé, les Allemands veulent une monnaie "apolitique" alors qu'ils regrettent le retard pris dans la construction d'une union politique. Les Français souhaitent que l'union monétaire débouche sur l'union politique alors qu'ils ont tout fait pour retarder celle-ci. Le moment est donc venu, pour chacun, de méditer sur la cohérence de ses positions. Et de redéfinir celles-ci en fonction d'une vision neuve de la construction européenne pour le XXIe siècle.


Bibliographie

- "Plaidoyer pour une France qui doute", stock 2004.
- "L'Evêque et l'économiste", Presses de la Renaissance 2001
- "La fin du chômage, 2001 Ed. Calman-Levy
- "Europe Année Zéro", 2001 Ed. Bayard
- "La révolution de 1999
- "L'aventure du Christianisme Social", 1999 Ed. Bayard
- de l'Europe à l'euro, de l'euro à l'Europe" - Ed. Sand, sept. 1998.
- "Le travail dans vingt ans" - Ed. Odile Jacob, 1995.
- "Rendez-vous avec l'histoire" - Ed. Calmann-Levy, 1995.
- "L'Europe, 1998 Ed. France Loisirs
- "L'Immigration : Défis et richesses", Bayard 1998

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