En confirmant la participation de onze pays à la monnaie unique
lors du week-end du 1er mai, les chefs d'Etat et de gouvernement
des Quinze ont ouvert une nouvelle ère dans l'histoire de la construction
européenne. La naissance officielle de l'euro, dernière pierre de
l'édifice de l'UEM, vient d'être posée au terme d'un travail sans
relâche de rapprochement des peuples et des économies. Quelque quarante
années nous sépare de la signature des traités de Rome et déjà onze
Etats membres se sont unis pour partager une même monnaie.
Deux éléments ont prévalu à la consécration de l'Union économique
et monétaire: la volonté politique des chefs d'Etat et de gouvernement
et la réalisation des conditions économiques nécessaires à son succès.
L'engagement politique des différents gouvernements a représenté
la condition sine qua non de la réussite de l'Union économique et
monétaire. Elle n'a jamais fléchi au cours du temps, comme en témoigne
les avancées par étapes de l'UEM: du traité de Rome au rapport Werner
via le plan Barre; du rapport Werner à la création du SME en passant
par le serpent monétaire européen; enfin du SME au traité de Maastricht,
la construction européenne a suivi un processus continu.
Le traité de Rome n'aborde guère les questions d'ordre monétaire
car, à l'époque, le système de Bretton-Woods garantissait
la stabilité monétaire au niveau international. La désagrégation
de ce système a changé néanmoins la donne de l'environnement monétaire
international et a conduit les européens à afficher de nouvelles
ambitions politiques: l'objectif des taux de change stables est
envisagé pour la première fois en 1965, puis repris par le plan
Barre et le rapport Werner. Il se concrétise par la création du
serpent monétaire européen, puis du SME, consacrant des taux de
change stables mais ajustables. La mise en place du SME a créé une
zone de stabilité, contribuant à la décrue de l'inflation et à la
stabilisation des taux de change entre une majorité d'Etats membres.
Par la suite, la mondialisation des économies et les turbulences
accrues auxquelles celles-ci furent exposées ont nécessité une réponse
à la hauteur de l'enjeu de la construction européenne. En ratifiant
le traité de Maastricht en 1992, les peuples européens ont rendu
le projet de la création d'une monnaie unique crédible, réalisable
et irréversible. Cet engagement politique a conféré à l'Union économique
et monétaire les fondements juridiques indispensables à son succès.
Cette même volonté politique a permis une convergence durable des
économies. Sans elle l'euro n'aurait pu voir le jour.
L'alignement des économies sur les meilleurs niveaux de performance
est, en effet, un préalable à la création de la monnaie unique:
il garantit l'avènement d'un euro stable, qui repose sur des bases
solides et un vaste marché financier. De surcroît, il favorise la
stabilité des taux de change et la réduction des taux d'intérêt,
préalables à la croissance et à la création d'emplois.
L'expérience le prouve: une inflation maîtrisée, des finances publiques
plus saines et des taux d'intérêt à des niveaux historiquement bas
expliquent l'actuelle reprise économique créatrice d'emplois, et
la stabilité monétaire en Europe en dépit de la crise asiatique.
Le taux d'inflation moyen dans la Communauté a atteint le niveau
exceptionnellement bas de 2,1% en 1997. Parallèlement, le déficit
moyen des administrations publiques dans l'Europe des Quinze, a
chuté de 6,1% du PIB en 1993 à 2,4% en 1997, permettant une réduction
du ratio de la dette publique par rapport au PIB. Depuis lors, la
croissance, seulement de 1,8% du PIB en 1996, s'est élevée à 2,7%
en 1997. Elle devrait atteindre 2,8% en 1998 et 3% en 1999. En engageant
les Etats membres à réaliser une convergence durable de leurs économies,
le pacte de stabilité et de croissance garantit la continuité des
efforts poursuivis jusqu'à présent avec succès et la crédibilité
de la future politique monétaire menée par une Banque centrale européenne
indépendante.
Toutes les conditions sont donc réunies pour la réussite durable
de l'UEM: une volonté politique sans faille de la part des gouvernements
et un cadre macro-économique assaini, et exempt de fluctuations
de changes et de risques inflationnistes. L'euro est, en conséquence,
une chance pour l'avenir de l'Europe. Il ne tient qu'à elle de s'en
saisir pour assurer la sécurité et la prospérité du continent.
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