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Le Royaume-Uni et les nouveaux défis européens
Peut-être la date la plus marquante de notre présidence restera-t-elle ce week-end de début mai qui a vu les chefs d'Etat et de gouvernement, réunis à Bruxelles, entériner la liste des pays admis à franchir la troisième étape de l'Union économique et monétaire. Ce fut un moment décisif pour l'avenir de l'Europe. La situation économique de la Grande-Bretagne est aujourd'hui en trop grand décalage par rapport à celle de nos partenaires pour que nous puissions réaliser notre intégration dès 1999.©1998
Sir Michael JAY - Ambassadeur de Grande-Bretagne en France


Dès son arrivée au pouvoir, le 1er mai 1997, le gouvernement britannique a affiché sa volonté de jouer pleinement le jeu en Europe. Il s'est empressé de signer le chapitre social, et c'est en partenaire constructif qu'il a pris part à la phase finale des négociations du traité d'Amsterdam. D'accord avec la France pour placer l'emploi au cœur du projet européen, il a appuyé la tenue du Sommet sur l'emploi organisé à Luxembourg au mois de novembre. L'opinion publique britannique, sensible à cette attitude positive à l'égard de l'Europe et forte de la confiance retrouvée dans une économie redynamisée, commence, elle aussi, à bouger. Le débat sur l'Europe ne donne plus lieu aux mêmes éclats. Il a perdu de sa charge politique et gagné en ouverture d'esprit.

C'est une Union européenne en pleine période de transition que nous présidons aujourd'hui. Le traité d'Amsterdam attend encore d'être ratifié et d'entrer en vigueur. La phase finale de l'Union économique et monétaire s'ouvrira le 1er janvier 1999. D'importantes négociations sur l'élargissement et les réformes internes de l'Union sont engagées. L'Union de demain sera très différente de celle d'aujourd'hui, et sur la forme et sur le fond. La présidence britannique s'emploie actuellement à la faire entrer dans l'ère de l'Union économique et monétaire. Elle s'est attachée à lancer le processus d'élargissement et à rendre la politique étrangère et de sécurité commune plus opérante. Autant de tournants qui seront décisifs pour l'avenir.

De tels bouleversements ne vont pas sans incertitudes ni points d'interrogation. Ils accentuent le risque de coupure entre l'institution européenne et les citoyens, qui voient l'Union tout occupée d'elle-même, au lieu de s'atteler à ce qui les touche au quotidien. D'où la volonté de la présidence britannique de recentrer son action sur leurs vraies préoccupations - l'emploi, la lutte contre le crime, l'environnement.

L'Union économique et monétaire

Peut-être la date la plus marquante de notre présidence restera-t-elle ce week-end de début mai qui a vu les chefs d'Etat et de gouvernement, réunis à Bruxelles, entériner la liste des pays admis à franchir la troisième étape de l'Union économique et monétaire. Ce fut un moment décisif pour l'avenir de l'Europe. A compter du premier jour ouvrable de 1999, les membres de la zone euro auront un seul et même taux d'intérêt, une seule et même politique monétaire. Ils bénéficieront du net surcroît de transparence et de simplicité qu'en retirera le marché unique, et pourront mobiliser les financements d'un marché des capitaux démultiplié.

La situation économique de la Grande-Bretagne est aujourd'hui en trop grand décalage par rapport à celle de nos partenaires pour que nous puissions réaliser notre intégration dès 1999. Le délai est trop court pour permettre aux cycles économiques de se remettre en phase sans trop d'à-coups. Le pays ne fera donc pas partie de la première vague. Mais le gouvernement ne doute pas que notre participation à une monnaie unique réussie devrait être une bonne chose, et pour la Grande-Bretagne et pour ses partenaires, à supposer que les conditions économiques soient réunies. D'ailleurs, nous nous y préparons. Comme l'a rappelé le Premier ministre à l'Assemblée nationale le 24 mars, "nous avons dit qu'une monnaie unique, dans un marché unique, avait sa raison d'être et déjà les entreprises de la City de Londres sont opérationnelles. Nous serons prêts, n'en doutez pas".

Que nous ne franchissions pas le pas avec vous en 1999 ne signifie pas que nous regardons les choses en spectateurs distraits ! La Grande-Bretagne réalise plus de 50% de ses échanges avec le reste de l'Union. Les investissements dans les deux sens sont considérables. Il est de la plus haute importance pour nous que la monnaie unique parte sur de bons rails. Si les incertitudes de départ sur les pays membres et sur les parités ont été levées par les décisions intervenues début mai - sous présidence britannique - la création de l'euro n'en soulève pas moins des questions économiques et politiques que la Grande-Bretagne considère comme fondamentales pour l'avenir de l'Union. Les membres de l'Union économique et monétaire auront à observer une grande discipline budgétaire et financière, et à piloter leurs économies dans un souci de souplesse et de compétitivité, sur fond de mondialisation croissante. La stabilité macro-économique, le bon fonctionnement des marchés - de la production comme du travail - le sain exercice de la concurrence sur un marché unique abouti et la mise en œuvre de politiques sociales judicieuses seront à cet égard indispensables. Le défi est de taille. Il faut absolument qu'il soit relevé.

L'élargissement

La Conférence européenne et le processus d'élargissement ont pris un bon départ sous notre présidence. La réunion inaugurale de la Conférence européenne à Londres, à laquelle assistaient les chefs d'Etat et de gouvernement de 26 pays européens, a été un puissant symbole de l'Europe du futur, les divisions de la guerre froide remisées au grenier. L'élargissement sera facteur de paix et de prospérité pour l'ensemble de l'Europe.

Mais il suppose une réforme interne de l'Union. L'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne - qui sont contributeurs nets au budget communautaire - savent bien que l'Union ne peut pas se contenter d'appliquer aux nouveaux membres les politiques communes actuelles. Nous devons hiérarchiser les besoins, établir des priorités, tant pour ce qui est de la politique agricole commune que des fonds structurels et de cohésion. Nous devons trouver de nouveaux mécanismes, qui soient à la fois justes, durables et dans nos moyens. L'entreprise ne sera pas facile, compte tenu des différents intérêts nationaux en cause, notamment entre l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne. Les négociations seront rudes. Mais il est indispensable qu'elles aboutissent.

La PESC

La volonté de la Grande-Bretagne de doter l'Union d'une politique étrangère et de sécurité commune qui marche ne date pas d'hier. Nous croyons comme la France, qu'elle ne doit pas être l'expression du plus petit dénominateur commun, mais s'arc-bouter sur des positions partagées et un même regard sur le monde. Donner à l'Union une voix plus forte et plus cohérente sur la scène mondiale est l'un des premiers soucis de la présidence britannique.

En matière de crises internationales - dont beaucoup ont montré la force de la PESC - nous avons eu plus que notre compte. Il nous a d'abord fallu envoyer une mission de la Troïka à Alger après les massacres perpétrés au mois de janvier. Puis il s'est agi pour l'Union de traiter d'urgence le problème des immigrants clandestins venus d'Irak et de Turquie. Là où le consensus européen avait volé en éclats, la présidence a su ramener l'unité dans les rangs. C'est notamment le cas à l'égard de la Chine, et de la position à adopter sur le front des droits de l'homme, et de l'Iran. Prenant acte des ouvertures du nouveau gouvernement, la présidence s'est efforcée d'instaurer une politique d'équilibre envers Téhéran : équilibre entre la volonté de bâtir des relations constructives, et la nécessité de rester vigilant sur l'acquisition d'armes de destruction massive, le terrorisme et la fatwa prononcée à l'encontre de Salman Rushdie. Plus récemment, la présidence a été prompte à réagir à la détérioration de la situation au Kosovo. Robin Cook, s'exprimant au titre de la présidence, a envoyé un message sévère à Milosevic, puis a réuni le "groupe de contact", qui a adressé un ultimatum à Belgrade et exhorté les deux parties à négocier. La présidence a veillé à ce que l'Union soit pleinement associée aux efforts du "groupe de contact" et à ce que les mesures arrêtées soient mises en œuvre à la fois au sein de l'Union et des Nations unies.

La crise en Irak a été, en revanche, plus difficile à gérer. La nécessité de convaincre Saddam Hussein de se plier aux résolutions du Conseil de sécurité faisait l'unanimité au sein de l'Union, mais chacun n'était pas également disposé à faire usage de la force, en ultime recours, pour y parvenir. La Grande-Bretagne et la France avaient des avis divergents, d'autres Etats membres, dont l'Allemagne, étant plus nuancés. Tous reconnurent que la solution qui est finalement intervenue avait nécessité le double usage de la diplomatie et de la menace de la force. Mais la crise a bien montré que la PESC n'était guère opérante quand il y avait vraiment divergence de vues. Ces divergences s'estomperont peut-être à mesure de l'évolution de la PESC. Mais d'ici là, s'ingénier à afficher une convergence artificielle, quand il n'y en a pas, ne rime pas à grand-chose.

Conclusion

Il y a 25 ans, la Grande-Bretagne a adhéré à la Communauté économique européenne. Personne ne sait le tour que prendra l'Europe au cours des 25 années à venir. Il y a seulement dix ans, la Conférence européenne qui s'est réunie en mars aurait été inimaginable. Par contre, on connaît les embûches qu'elle devra surmonter. La Grande-Bretagne est décidée à jouer un rôle central pour l'y aider et à tout faire pour bâtir une Europe de paix, de prospérité et d'innovation.


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