Plus
de quarante ans après le lancement du Marché commun avec le traité
de Rome, l'année 1998 aura été marquée par deux événements majeurs
: la décision des Chefs d'Etat ou de Gouvernement des Quinze sélectionnant
11 pays pour le lancement de l'euro au 1er janvier 1999, d'une part
et, d'autre part, le lancement du processus d'élargissement vers
l'Est.
I - EURO
Le 2 mai 1998, les Chefs d'État ou de Gouvernement des pays de l'Union
européenne ont confirmé que onze pays partageront l'euro à compter
du 1er janvier 1999. Il s'agit là d'un événement majeur dans l'histoire
de l'Europe car c'est la première fois que tant d'individus (près
de 300 millions d'européens) décident d'unir pacifiquement leurs
destins en partageant leur souveraineté monétaire pour mieux l'exercer
ensemble.
Grâce aux efforts des différents pays européens pour maîtriser leur
inflation et assainir leurs finances publiques, la zone euro sera
large. Ce qui était politiquement et économiquement souhaitable
pour la France, l'Allemagne et l'Europe devient ainsi réalité.
Pourquoi un tel élan européen ? Les raisons pour lesquelles l'euro
sera facteur de dynamisme au service de l'Europe sont aujourd'hui
bien comprises de tous.
- Tout d'abord, le grand marché européen, qui s'est formé grâce
à la suppression des droits de douane et à la normalisation, voyait
son développement entravé par l'existence de monnaies différentes.
Le jour n'est plus loin à présent où, les prix étant exprimés dans
la même monnaie, ce grand marché sera pleinement une réalité. Nombreuses
déjà sont les entreprises françaises, allemandes et européennes,
qui se préparent à cette extension considérable de leurs possibilités
d'exportation en Europe.
- La deuxième raison pour laquelle l'euro représente une chance
est la disparition du risque de change. Bien sûr, toutes les entreprises
françaises ou allemandes n'exportent pas, mais on peut penser que
certaines y ont renoncé, précisément en raison de ce risque. Demain,
avec la même monnaie d'une extrémité à l'autre de la zone euro,
les entreprises n'auront plus à supporter ce coût.
Les entreprises françaises et allemandes seront ainsi largement
immunisées contre le risque de change ; elles seront moins dépendantes
qu'aujourd'hui des fluctuations du dollar puisque l'ouverture de
la zone euro sur l'extérieur sera faible, de l'ordre de 10 % du
PIB. Cette stabilité est un facteur essentiel de relance de l'investissement.
L'euro offre ainsi aux acteurs économiques français, allemands et
européens, un cadre de stabilité supérieur à celui qui prévaut en
Europe aujourd'hui et supérieur à celui dont peuvent bénéficier
les opérateurs ailleurs dans le monde.
- Troisièmement, la crise asiatique vient de démontrer que l'euro
contribue à créer une zone de stabilité monétaire dans le monde.
En 1995, la crise mexicaine avait pour le moins perturbé la bonne
tenue des parités européennes. La crise asiatique n'a pas eu cet
effet. Elle aura peut-être des conséquences commerciales ; mais,
en matière monétaire, elle n'a eu aucune influence sur la zone européenne.
La perspective de l'euro a permis que les différentes monnaies de
la zone euro restent solidement ancrées les unes aux autres.
- Quatrièmement, l'arrivée de l'euro signifie aussi le retour de
l'Europe sur la scène internationale. L'euro sera l'égal du dollar,
la zone euro ayant approximativement le même poids que l'économie
américaine (un tiers du PIB de l'OCDE ; 20 % des échanges mondiaux).
A bien des égards, l'euro sera ainsi une reconquête de souveraineté,
l'affirmation concrète d'une identité européenne, soucieuse de défendre
ses valeurs et son modèle social.
- Enfin, grâce à la perspective de l'euro, nous avons des taux d'intérêt
faibles en Allemagne comme en France. Nul ne niera que la stabilité
des monnaies, l'absence de fluctuation des parités, qui résulte
de la perspective de l'euro, est ce qui rend possible ce niveau
de taux. Nos entreprises empruntent aujourd'hui moins cher qu'hier
et moins cher que s'il n'y avait pas la perspective de l'euro. Sauf
à considérer que les taux d'intérêt sont sans importance pour le
développement des entreprises et leurs investissements, chacun admettra
que nous avons, dans la perspective de l'euro, un des éléments de
la croissance de demain.
Dès lors on peut anticiper que, dès 1998, l'Europe sera sans doute
le moteur de la croissance mondiale. La croissance asiatique pourrait
se trouver fortement ralentie pour au moins un an ; la croissance
nord-américaine pourrait fléchir. Les européens ont devant eux une
période de croissance plus élevée sans doute que pendant les dix
ans écoulés et ceci n'est pas sans lien avec le fait que la stabilité
monétaire est à nos portes.
Mais la décision historique du 2 mai n'est pas que l'aboutissement
d'un long processus de convergence entre les économies européennes.
Elle est davantage encore le point de départ d'une intégration économique
renforcée entre les États partageant l'euro et d'une priorité renouvelée
accordée aux questions d'emploi dans la hiérarchie des préoccupations
européennes.
- S'agissant du renforcement de la coordination des politiques économiques
entre pays de la zone euro, le Conseil Européen d'Amsterdam de juin
1997 a, sur initiative française, lancé des travaux sur ce thème
et le Conseil Européen de Luxembourg de décembre 1997 a décidé la
création d'une enceinte spécifique de coordination entre pays de
la zone euro, le "Conseil de l'euro" ou "Euro-11". Cette enceinte
fonctionnera de manière souple, sur le modèle du G7. Ses premières
réunions auront pour but de définir des indicateurs de référence
pour suivre la conjoncture de la zone euro et d'harmoniser les hypothèses
de travail servant à bâtir les budgets pour 1999.
- S'agissant de la lutte contre le chômage, c'est également à l'initiative
de la France qu'a été décidée à Amsterdam, en juin 1997, la tenue
d'un Conseil Européen extraordinaire exclusivement consacré aux
questions d'emploi, qui s'est tenu le 21 novembre à Luxembourg.
Ce sommet constitue la première traduction de la nouvelle priorité
accordée en Europe à l'emploi, qui serait évidemment très insuffisante
si le sillon n'était pas appelé à se creuser. C'est pourquoi les
Chefs d'Etat et de gouvernement ont décidé que chaque année, le
sommet européen de décembre serait consacré à l'emploi. De plus,
chaque Etat a adopté au printemps 1998 un Plan d'Action National
pour l'emploi décrivant la manière dont il entend mettre en œuvre
les objectifs quantifiés, définis à Luxembourg, en matière de lutte
contre le chômage des jeunes et des chômeurs de longue durée. Enfin,
des moyens financiers ont été mis au service de l'innovation, via
la Banque Européenne d'Investissement ou le redéploiement de fonds
du budget communautaire, en direction des PME innovantes.
II - ELARGISSEMENT
"Le Conseil européen des 12 et 13 décembre 1997 constitue un jalon
historique pour l'avenir de l'Union et de l'Europe toute entière.
Le lancement du processus d'élargissement inaugure une nouvelle
ère en mettant définitivement fin aux divisions du passé. Le prolongement
à l'échelle du continent, du modèle d'intégration européenne est
un gage de stabilité et de prospérité pour l'avenir." (1er paragraphe
des conclusions du Conseil européen de Luxembourg).
La dimension de l'élargissement actuellement en préparation est
sans précédent. Outre Chypre et la Turquie, dix pays d'Europe centrale
et orientale sont candidats. Il s'agit potentiellement d'un quasi-doublement
du nombre des Etats membres, d'une augmentation de l'espace européen
de plus de 1 million de km2 et d'une augmentation de 110 millions
d'habitants.
De fait, après un demi-siècle marqué par les divisions héritées
de Yalta, les Chefs d'État et de Gouvernement réunis à Luxembourg
en décembre 1997 ont pris les décisions nécessaires pour lancer
le processus d'élargissement de l'Union européenne afin de réaliser
l'unité de l'Europe, de tous les Européens, dans l'espace défini
par la géographie, l'histoire et la civilisation européenne.
Cette démarche inclut les dix pays d'Europe centrale et orientale
et Chypre, appelés à adhérer sur la base de critères identiques.
Le lancement du processus d'élargissement par le Conseil européen
de Luxembourg de décembre 1997 constitue un défi pour l'avenir de
l'Union européenne et de l'Europe dans son ensemble. Un défi pour
l'Union européenne en raison des adaptations que ce processus requiert
tant au niveau des institutions européennes qui doivent se renforcer
et des politiques communes qui doivent s'adapter à une Union élargie
; un défi du coté des pays candidats qui devront reprendre l'intégralité
de ce qu'il est convenu d'appeler "l'acquis communautaire" mais
aussi intensifier leur convergence avec les normes de développement
économique et social de l'Union.
Il s'agit bien d'un processus d'élargissement global, les Quinze
ayant tenu à rappeler qu'il ne concernait pas que les six pays avec
lesquels les négociations ont d'ores et déjà commencé (Chypre, Estonie,
Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovénie). Tous les pays
candidats sont destinés à devenir membres de l'Union européenne
sur la base des mêmes critères et à participer au processus d'adhésion
sur un même pied d'égalité.
Les cinq pays candidats qui ne figurent pas dans la première vague
des négociations (Bulgarie, Lettonie, Lituanie, Roumanie et Slovaquie)
n'ont donc pas à se sentir exclus par l'Union. Ils se voient même
offrir l'opportunité de prendre en marche le train de l'adhésion,
si les " bilans " présentés chaque année (le premier étant prévu
dès fin 1998) font apparaître la mise en œuvre d'un effort exceptionnel.
Par ailleurs, les dix ministres des affaires étrangères des PECO
se sont vus remettre officiellement leur " partenariat pour l'adhésion
". Ces documents sont des " carnets de route " qui énumèrent les
tâches d'adaptation que chaque pays candidat doit prioritairement
réaliser dans tous les domaines (stabilité des institutions, droits
de l'homme, économie de marché viable, capacité à remplir les objectifs
de l'union politique, économique et monétaire...), à court comme
à moyen terme.
Ces partenariats pour l'adhésion constitueront désormais la base
des relations entre les dix pays candidats et l'Union européenne.
Ils prévoient également les moyens financiers qui seront mis à disposition
par les Quinze, dans le cadre de la stratégie de pré-adhésion. Ces
aides seront substantielles puisqu'elles avoisineront chaque année
les 20 milliards de francs d'ici 2006 (dont 10 milliards au titre
du programme d'assistance Phare et plus de 6 milliards dans le cadre
des fonds structurels). Mais ces aides seront aussi conditionnelles,
donc susceptibles d'être réduites, voire suspendues, si un pays
ne respecte pas le calendrier de ses engagements vis-à-vis de l'Union.
C'est l'ensemble de cette stratégie de pré-adhésion qui doit permettre
aux pays candidats de se rapprocher des standards communautaires.
Il ne s'agit en effet pas seulement d'obtenir que les pays candidats
adoptent l'intégralité de l'acquis communautaire, mais aussi qu'ils
puissent assurer son application effective, ce qui suppose, en particulier,
qu'ils mettent en place ou consolident des administrations publiques
efficaces et fiables.
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