La France
et l'Allemagne sont les principaux protagonistes de l'effort visant
à constituer une défense européenne. Depuis le traité de l'Elysée
signé en 1963, on parle fréquemment du " couple franco-allemand
" pour qualifier cette relation particulière entre deux Etats viscéralement
hostiles l'un à l'autre auparavant, voire " d'Alliance dans l'Alliance
". Ces deux termes posent d'ailleurs bien le problème. Comme dans
tout couple il y a différence entre les partenaires, que se soit
sur le nucléaire ou sur l'OTAN.
Le nucléaire divise profondément les opinions publiques des deux
pays depuis le début des années 80. Mais c'est la relation à l'OTAN
qui a posé les plus grandes difficultés par rapport à la création
du pilier européen de la défense.
L'objectif connu des dirigeants français et allemands - et notamment
de François Mitterrand et Helmut Kohl - avait été d'avancer patiemment
vers l'émergence de celui-ci, sans remettre en cause la solidarité
Atlantique. Paris avait enfin compris qu'il était illusoire et contre
productif de demander à l'Allemagne de choisir entre la France et
les Etats-Unis. L'Allemagne avait admis que l'Europe de la défense
constituait globalement " un plus " pour le camp occidental.
La mise sur pied de l'Eurocorps était, à bien des égards, exemplaire.
Force européenne indépendante, elle pouvait en cas de besoin être
mise à disposition de l'OTAN. On conciliait à la fois la sécurité
d'aujourd'hui (qui ne pouvait et ne peut toujours passer que par
l'Alliance Atlantique) et celle de demain faite d'une Europe moins
dépendante des Etats-Unis.
Après 1995, les nuages se sont accumulés dans le couple franco-allemand.
Si le chancelier Kohl n'a pas critiqué publiquement la reprise des
essais nucléaires, ils ont heurté profondément l'opinion publique
allemande. L'offre française de dissuasion concertée a été, fut-ce
à tort, perçue comme devant faire " passer " la décision sur les
essais.
La suppression du service national certes conforme au nouveau contexte
stratégique a heurté les Allemands qui y étaient pour des raisons
historiques encore plus attachés que les Français.
Ils ont vivement regretté de n'avoir pas été informés de la réalité
du projet français, ayant même reçu des assurances du ministre français
de la Défense sur le maintien du service. Enfin, les projets de
coopération industrielle, dans un climat de tensions budgétaires
des deux côtés du Rhin ont souffert.
L'annonce du retour de la France dans le comité militaire de l'OTAN,
justifié en partie par la nécessité de rassurer les Européens en
général, l'Allemagne en particulier, sur la volonté française de
bâtir le pilier européen de la défense au sein de l'OTAN n'a pas
conduit pour autant à une plus grande européanisation de l'Alliance,
comme l'a illustré avec éclat le sommet de Madrid de juillet 1997.
On est donc parvenu à cette date, à une situation extrêmement délicate.
Les relations franco-allemandes n'ont jamais été aussi mauvaises
depuis que la coopération existe entre ces deux Etats, et les deux
modèles traditionnels du pilier européen de la défense étaient brisés.
La voie au sein de l'OTAN s'est avérée être une impasse, mais le
modèle purement européen a été mis à mal par la France, qui en était
le principal promoteur, et qui n'a eu de cesse depuis décembre 1995
pour légitimer la réintégration dans l'Otan de dire qu'elle n'était
pas viable.
Il convient cependant de ne pas tomber dans un pessimisme excessif.
Tout d'abord, il est impératif que l'Allemagne et la France considèrent
comme normal d'avoir des divergences. La mystique de la coopération
franco-allemande les fait apparaître parfois comme dangereuses pour
la solidité du couple. Il est plus sain d'admettre que - rarement
d'ailleurs - nos intérêts peuvent ne pas concorder. Pour les surmonter
il faut d'abord reconnaître leur existence.
Par ailleurs, l'Allemagne sera à terme beaucoup plus disponible
pour un projet européen. L'OTAN la rassure vis-à-vis de Moscou et
vis-à-vis d'elle même. La Russie n'est plus un danger immédiat,
et les Allemands doivent banaliser leur comportement pour ne plus
avoir peur d'une " renationalisation " de la politique de défense.
L'abandon du Mark pour l'Euro prouve si besoin était l'attachement
de l'Allemagne au projet européen. Ce dernier, sur le plan stratégique,
lui permettra, à terme, d'éviter de n'avoir à choisir qu'entre être
la dépendance face aux Etats-Unis ou une être un électron libre
en Europe dangereuse pour elle-même et pour les autres.
Bibliographie
- "Atlas des relations internationales" -Hatier, 1997.
- "Repenser la dissuasion nucléaire" - Ed. de l'Aube, 1997.
- "La volonté d'impuissance" - Edé. du Seuil,1996.
- "Dictionnaire des relations internationales" - Hatier,
1996.
- "L'année stratégique" - IRIS Presse, depuis 1990.
- "Relations internationales et stratégiques" - Revue trimestrielle,
IRIS Presse - ARLEA, depuis 1991 (Direction de la publication).
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