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Europe et industrie de défense
La volonté affirmée par les Etats européens dans le Traité de Maastricht de converger dans le domaine de la politique étrangère et de la sécurité commune paraissait devoir favoriser la mise en œuvre d'une politique de défense commune et donc rendre plus aisée la mise sur pied d'une industrie de défense européenne dont le marché domestique ne serait plus limité au seul marché national mais étendu, sinon à toute l'Union, du moins à plusieurs des pays membres.©1998
Fabrice BREGIER - Président-Directeur général de MATRA BAe DYNAMICS (1998)


Monnaie et Armée ont été de tous temps considérées comme les attributs de la puissance et de la souveraineté d'une nation. Il suffit pour s'en convaincre, de constater les difficultés que rencontrent les pays membres de l'Union Européenne à se mettre d'accord sur ces sujets fondamentaux. Aussi, le 2 mai 1998 est-il considéré comme une date importante dans l'histoire de l'Europe, puisqu'elle marque officiellement l'adhésion d'une majorité de ses membres à une monnaie unique, l'EURO.

Pour ce qui concerne la Défense, la situation est loin d'avoir atteint ce stade de maturité. Certes, le Traité de Maastricht, dans son titre V, traitait bien des dispositions relatives à la mise en œuvre d'une Politique Etrangère et de Sécurité Commune, la PESC. Cette volonté affirmée par les Etats européens de converger dans ce domaine paraissait devoir favoriser la mise en œuvre d'une politique de défense commune et donc rendre plus aisée la mise sur pied d'une industrie de défense européenne dont le marché domestique ne serait plus limité au seul marché national, mais étendu, sinon à toute l'Union, du moins à plusieurs des pays membres.

Cet optimisme devait, hélas, être assez vite tempéré au cours de ces dernières années, et force est de constater, que sans l'initiative volontariste de certains industriels, les restructurations industrielles européennes dont on parle beaucoup, en seraient encore au point de départ.

Le groupe LAGARDERE a, pour sa part, joué très tôt la carte de l'Europe, conscient qu'il n'y avait pas d'autre alternative pour résister à la concurrence de plus en plus écrasante de l'industrie américaine, tant dans le domaine de la défense que dans le domaine spatial d'ailleurs. Est-il nécessaire de rappeler que la décision de créer MATRA MARCONI SPACE fut prise par les deux actionnaires, GEC et MATRA, dès la fin des années 80.

Ceci étant dit, il ne suffit pas de vouloir pour faire, et il est clair qu'on ne peut s'affranchir de certaines étapes pour parvenir, au bout du compte, à des alliances structurelles fortes et durables qui engagent les actionnaires sur le long terme. La première est sans aucun doute, le passage par une coopération industrielle sur des programmes spécifiques. Dès les années 60, MATRA coopérait avec l'industrie britannique dans le domaine des missiles antiradars. Plus tard, ce fut avec l'industrie italienne dans le domaine des missiles mer-mer. Dans les années 80 une coopération fut engagée avec l'industrie allemande pour le développement d'un missile air-sol qui fut en quelque sorte le précurseur des missiles de croisière d'aujourd'hui.

Au delà de ces coopérations qui amènent les techniciens et les ingénieurs à se fréquenter et donc à se mieux connaître, il faut aussi qu'au niveau des actionnaires il y ait une volonté, que je qualifierais de politique, de s'associer. A la fin des années 80, le retour au secteur privé de MATRA fut l'occasion de faire entrer au capital du groupe des partenaires européens aussi importants que GEC et DAIMLER-BENZ. Parallèlement, MATRA prenait une participation de 20% dans le capital de l'entreprise allemande BGT, aux côtés du groupe DIEHL.

Pour importants qu'ils fussent, ces accords n'en étaient pas moins insuffisants pour répondre à l'incroyable défi lancé par l'industrie américaine. Il est clair qu'il y a encore trop de maîtres d'œuvre, dans nos domaines, en Europe. Une restructuration plus profonde s'impose, tout le monde en est persuadé, mais le temps presse.

On ne peut donc que se réjouir de la déclaration officielle des Chefs d'Etat et de Gouvernement allemand, britannique et français, faite à la fin de l'année 97, affirmant la volonté commune des trois pays de tout mettre en oeuvre pour faciliter les regroupements dans le domaine des industries aérospatiales et de défense. Pour notre part, nous avions déjà saisi la première opportunité d'un rapprochement structurel avec l'industrie britannique dès 1996. En effet, le choix par le gouvernement britannique d'abord, le gouvernement français ensuite, du missile de croisière proposé conjointement par BAe Dynamics et MATRA, fut le catalyseur longtemps attendu de l'opération de fusion des activités missiles tactiques de nos deux groupes. Effective dès le 1er novembre 96, cette fusion portait création de la société Matra BAe Dynamics, qui, dans la foulée, négociait avec DASA une prise de participation de 30% dans le capital de sa filiale missiles tactiques, LFK, participation confirmée dès le mois de mai 97.

Le dossier AIRBUS, dans le domaine aéronautique, occupe bien évidemment le devant de la scène en matière de restructurations. Mais il ne doit pas occulter l'ampleur de la tâche à réaliser dans tous les domaines de l'industrie de défense. La reconnaissance par les principaux Ministres de la Défense européens, en avril dernier, "des progrès considérables en cours en matière de rationalisation des industries de défense" n'est, à cet égard que la reconnaissance de fait que le problème s'étend bien au delà du débat sur le sort d'AIRBUS.

Pour ce qui concerne la société Matra BAe Dynamics dont les actionnaires m'ont confié la responsabilité, c'est aujourd'hui la première à fonctionner de manière intégrée, avec dans toutes les Directions des équipes mixtes, franco-britanniques, constituées de façon à mettre en valeur les synergies dont on parle tant, et donc à renforcer notre efficacité et notre compétitivité. Même s'il reste encore de nombreux obstacles à surmonter, d'ordre législatif, réglementaire ou culturel, ce mode de fonctionnement s'impose à nous. Nous espérons d'ailleurs beaucoup que l'engagement officiel des gouvernements, allemand, britannique, espagnol, italien et français, à procéder aussi rapidement que possible, à l'élimination des obstacles de nature politique ou réglementaire se traduira rapidement par des mesures concrètes, notamment pour ce qui concerne les problèmes de sécurité de défense, de droits de propriété industrielle et d'exportation.

De toute façon, les choses sont aujourd'hui claires :

- ou bien rien de notable ne se fait au-delà des quelques initiatives industrielles existantes, et l'Europe de la défense deviendra de plus en plus dépendante d'un petit nombre d'industriels américains,

- ou bien une action vigoureuse est conduite dans les mois qui viennent, avec le soutien actif des gouvernements, et il existe alors une chance de préserver l'essentiel, à un niveau de coût et d'efficacité rendu raisonnable par l'existence de la compétition globale avec l'industrie américaine.

Nous sommes prêts, pour notre part, à poursuivre notre effort à un rythme qui soit acceptable à la fois par les gouvernements et par les actionnaires.


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