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La création d'une industrie aéronautique et spatiale
européenne pour le XXIe siècle
L'industrie aéronautique et spatiale européenne a toujours du faire face à la concurrence internationale sur les marchés mondiaux. Mais depuis la chute du mur de Berlin et la guerre du Golfe, le contexte économique européen a évolué. Les marchés de défense internes à l'Europe se son réduits, alors que la crise du Golfe faisait chuter les marchés civils à l'international. Cette situation unique a entraîné les industriels à se restructurer massivement, en réduisant leurs coûts et en assainissant leur situation financière, de manière à rester compétitifs.©1998
Yves MICHOT - Président-Directeur général d'AEROSPATIALE
(1998)


Pendant 30 ans, la France et l'Allemagne ont travaillé ensemble à la construction de l'industrie aéronautique et spatiale civile et militaire européenne. C'est grâce à la volonté de ces deux nations qu'Airbus et Ariane, les plus grandes réussites technologiques et commerciales de cette industrie, ont vu le jour.

A l'aube du 21ème siècle, se dessine une nouvelle Europe et une nouvelle industrie européenne. Ces grandes réussites communes ont poussé les industriels américains à se renforcer en s'unissant, créant ainsi des géants de quatre fois la taille des plus grands industriels européens. Ce défi, généré indirectement par l'Europe, doit être relevé par celle-ci.

Le 9 décembre dernier (1997), l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne ont appelé leurs industriels à étudier les modalités d'un regroupement. En mars dernier, les industriels partenaires d'Airbus ont soumis un premier rapport concernant les grandes lignes d'un tel regroupement.

Certes, le chemin n'est pas aisé. N'oublions pas que l'Europe politique ou juridique n'est pas encore formée, et que les industriels seuls n'ont pas les moyens de la bâtir. Cela dit, ce rapport est primordial, car les industriels concernés se reconnaissent un objectif commun : celui de créer, à terme, une société commune globale et équilibrée entre les pays, couvrant les activités civiles et militaires et regroupant les forces de chacun. A travers cet objectif, c'est l'Europe économique et sociale de demain qui prend forme.

L'industrie aéronautique et spatiale européenne a toujours dû faire face à la concurrence internationale sur des marchés mondiaux. Mais depuis la chute du mur de Berlin et la guerre du Golfe, le contexte économique européen a évolué. Les marchés de défense internes à l'Europe se sont réduits, alors que la crise du Golfe faisait chuter les marchés civils à l'international. Dès lors, toutes les entreprises européennes se sont trouvées confrontées à une chute simultanée des cycles civils et militaires, ce qu'elles n'avaient jamais connu.

Cette situation unique a entraîné les industriels à se restructurer massivement, en réduisant leurs coûts et en assainissant leur situation financière, de manière à rester compétitifs. Entre 1992 et 1997, Aérospatiale a augmenté sa productivité de 31% et réduit ses effectifs de 20%, a diminué son endettement de 16 milliards de FF à moins d'1 milliard et a renoué avec les bénéfices, avec un chiffre d'affaires pourtant stable pendant cette période. Ces efforts ont permis à l'entreprise de maintenir ses parts de marché ou même de les augmenter dans certaines de ses activités.

Néanmoins, le développement de l'industrie européenne face à la concurrence américaine notamment nécessite non plus des efforts individuels de ce type, mais un effort commun.

Prenons l'exemple de Boeing/Mc Donnell, devenu Boeing Co. Cette entreprise pèse 250 milliards de FF de chiffre d'affaires. Elle bénéficie dorénavant d'un palette d'activités complète, lui permettant d'équilibrer les différences de cycles entre le secteur civil instable de nature, et le secteur militaire. L'entreprise peut également amortir beaucoup plus largement ses coûts de recherche et de développement, d'autant que la recherche militaire est payée par le Pentagone. Enfin, elle bénéficie d'une assise financière plus étendue. Aucune entreprise en Europe n'est actuellement en mesure de concurrencer ce géant de façon individuelle.

Le 7 mai dernier (1997), lors du sommet franco-allemand d'Avignon, le Chancelier Kohl a réitéré la nécessité d'un regroupement européen de l'industrie aéronautique et spatiale civile et militaire. Le premier ministre français Lionel Jospin a appuyé cette idée, tout en insistant sur le respect des identités nationales de chacun.

Les industries des différents pays ont en effet connu des évolutions spécifiques : les industries britannique, allemande, italienne et espagnole sont largement regroupées au niveau national, alors qu'en France les industriels sont encore fragmentés. Toutefois, se dessine la mise en place de deux grands pôles, l'un dans le domaine de l'électronique professionnelle et de défense autour de Thomson-CSF, l'autre dans le domaine de l'aéronautique au sens large, autour d'Aérospatiale.

Le 14 mai (1997), le pôle aéronautique français s'est vu renforcé par la décision du Gouvernement de transférer ses parts dans Dassault Aviation (46%) à Aérospatiale. Cette décision illustre la volonté de la France de s'engager totalement dans le regroupement européen.

Bâtir l'industrie aéronautique et spatiale civile et militaire européenne est une nécessité économique et financière, qui assurera la pérennité des investissements que les industriels ont concédé depuis 30 ans, et entraînera le développement économique et social de tout le tissu national lié à cette industrie.


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