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Concept commun franco-allemand en matière de sécurité et de défense |
Nuremberg, 9 décembre
1996 16ème Sommet du Conseil Franco-Allemand de Sécurité et de Défense Préambule La France et lAllemagne soulignent leur volonté de tirer ensemble les nécessaires conclusions des modifications intervenues dans le cadre général des conditions de la sécurité en Europe et dassumer leur responsabilité historique pour faire progresser lintégration européenne. Dans cet esprit le Conseil franco-allemand de défense et de sécurité a décidé de donner à la coopération franco-allemande en matière de sécurité et de défense une impulsion nouvelle, dans une perspective à la fois européenne et atlantique. A cet effet, nos deux pays sont déterminés à pousser d'un commun accord le développement dune identité européenne de sécurité et de défense au sein de lAlliance dans le cadre de sa rénovation et à placer le partenariat transatlantique avec les Etats d'Amérique du Nord sur une base nouvelle et solide. Dans le cadre de lUnion Européenne, nos deux pays oeuvreront ensemble en faveur de la concrétisation dune politique européenne de défense commune et de linsertion à terme lUEO dans lUnion européenne. Les institutions européennes et atlantique ont vocation à s'élargir. Nos deux pays participeront activement à la définition des conditions dans lesquelles les nouveaux Etats membres et les divers partenaires seront associés, chacun en ce qui le concerne, à laccomplissement en commun des missions de défense collective de lAlliance et des missions de gestion de crise menées sous la responsabilité de la communauté des nations. Le présent concept franco-allemand en matière de défense et de sécurité constitue le cadre pour la poursuite du développement des relations bilatérales entre la France et lAllemagne en matière de défense et de sécurité. Le concept repose essentiellement sur les quatre éléments suivants :
Les
instances de la coopération du Conseil franco-allemand de défense et de
sécurité veilleront, dans leurs futurs travaux visant à intensifier
la coopération dans le domaine militaire et en matière darmement,
à se référer à ce concept commun ainsi quaux directives fixées par
le Conseil. I . La France et lAllemagne : une communauté de destin et dintérêts La communauté de destin qui unit la France et lAllemagne repose en particulier sur un consensus concernant les questions fondamentales stratégiques et de société. La France et l'Allemagne considèrent la sécurité intérieure et extérieure des missions centrale de lEtat, dont laccomplissement exige limplication de toute la nation, notamment de la jeunesse. I.1. Nos intérêts de sécurité sont de plus en plus inséparables. Les progrès de lintégration européenne renforcent les liens politiques, économiques, commerciaux et sociaux entre nos pays, à un point tel que leurs intérêts de sécurité deviennent inséparables. La France et lAllemagne, membres de lUnion européenne, de lAlliance atlantique et de lUEO, sont au coeur de ce réseau de solidarités par leur position géographique, leur poids démographique et économique et leur engagement ancien en faveur de la construction européenne. I.2. Des objectifs communs. La politique de sécurité et de défense définie en commun par nos deux pays a pour objet : - dassurer lintégrité de nos territoires nationaux, le libre exercice de notre souveraineté et la protection de nos citoyens; - de renforcer de manière coordonnée notre contribution aux alliances militaires chargées en Europe de la défense collective (Alliance atlantique, UEO); - de préserver et de renforcer la stabilité du continent et des zones qui le bordent, y compris le bassin méditerranéen, ainsi que celle des espaces essentiels à lactivité économique et la liberté des échanges de nos pays; -
de contribuer, dans le monde, à la préservation de la paix et de la sécurité
internationale conformément aux principes de la Charte des Nations unies
et aux objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union
européenne; en nous concertant sur le degré dengagement auquel chacun
est prêt pour prévenir et maîtriser les crises; en assumant de manière
coordonnée nos responsabilités au sein des Nations unies. II. Une appréciation commune de l'environnement de sécurité II.1. Les risques. Nos deux pays sont confrontés aux mêmes risques et ils disposent des mêmes possibilités pour établir la coopération et maintenir la stabilité en Europe comme pour lEurope. Leffondrement de lURSS, la dissolution du pacte de Varsovie et la réunification de lAllemagne ont mis fin à la division de lEurope en deux blocs rivaux ainsi quà la menace militaire massive qui existait à nos frontières. La France et lAllemagne ne sont plus situées à portée dun adversaire capable de lancer des opérations stratégiques offensives. Il subsiste cependant à lEst de l'Europe, et pour de longues années encore, un arsenal militaire surdimensionné, dont lévolution et le contrôle demeurent un sujet de préoccupation. Le maintien de la capacité dassurer la défense nationale et collective reste nécessaire puisqu'un retournement fondamental des conditions de sécurité en Europe ne peut être exclu. D'autre part, des instabilités, des crises et des conflits apparaissent dans différentes régions, en Europe et dans les zones qui la bordent, liés à des désaccords frontaliers, au statut de certaines minorités nationales ou à des rivalités interéthniques. Ils peuvent dégénérer en crises qui sont toujours susceptibles de sétendre et de donner naissance à des conflits qui pourraient concerner directement nos pays. Au-delà des frontières de l'Europe, les ambitions, hégémoniques de certaines puissances régionales et la prolifération d'armes de destruction massive, phénomènes souvent liés, représentent des risques supplémentaires. Notre sécurité est également confrontée à des risques ne s'exerçant pas dans le cadre des rapports interétatiques traditionnels : activités de mouvements terroristes; progrès du crime organisé, des trafics darmes et de drogue. Il découle de cette analyse que notre posture de sécurité commune nest plus orientée essentiellement contre une menace militaire clairement identifiée, mais doit être davantage tournée vers la prévention des risques et la maîtrise des crises en Europe ou pouvant affecter la sécurité européenne. II.2. Un cadre commun. Nos deux pays inscrivent de concert leur politique de défense et de sécurité dans le cadre des principes de la Charte des Nations unies et de lOSCE. La France soutient laccession de lAllemagne au Conseil de sécurité des Nations unies. LAlliance demeure une garantie indispensable pour la stabilité et la sécurité de lEurope. Depuis près de cinquante ans, cette institution, qui incarne le lien transatlantique, a fait la preuve de sa valeur politique et militaire. Nous entendons rénover lAlliance afin quelle demeure un outil militaire efficace dans le nouveau contexte stratégique, que le maintien du lien transatlantique soit assuré sur la base dun partenariat durable avec les Etats-Unis dAmérique, que lidentité européenne de défense et de sécurité et la capacité des Européens dagir de façon indépendante et solidaire soient assurées. Nous entendons promouvoir la mise en place, sous légide du Conseil européen, d'une politique européenne de défense commune. Pour nos deux pays, l'Union européenne doit constituer une communauté solidaire, y compris dans le domaine de la défense. C'est pourquoi nous nous engageons pour la réalisation de la perspective de défense du traité sur lUnion européenne. Dans cet esprit, nos deux pays partagent lobjectif dune insertion à terme de lUEO dans lUnion européenne. Les Européens doivent pouvoir mener, y compris avec les moyens de lAlliance, une opération sous leur propre responsabilité. Nos deux pays encouragent la mise en place dun cadre de sécurité fondé sur la coopération, englobant tous les Etats dEurope. Outre lancrage euro-atlantique, une coopération étroite avec nos voisins de lest et du Sud apparaît de plus en plus nécessaire pour la sécurité européenne. La
solidarité européenne est dabord pour nos deux pays leur relation
privilégiée en matière de défense, fondée sur le traité de lElysée
du 22 janvier 1963 et le protocole de 1988 qui crée le Conseil de défense
et de sécurité. Cette ambition est à lorigine de plusieurs réalisations
communes, tant dans le domaine militaire que dans le domaine industriel.
Le Conseil de défense et de sécurité doit devenir linstrument privilégié
de la définition dune politique de défense commune franco-allemande. III. Une approche stratégique commune III.1. Pour une conception commune du rôle de nos forces armées. Dans une Europe dont la sécurité sest améliorée, la défense du territoire et de lAlliance ainsi que limportance accrue de la gestion préventive et efficace des crises forment le cadre de référence des missions de nos forces armées. Pour ces missions, il est nécessaire de disposer dune large gamme de capacités de réaction, pour agir dans un cadre géographique élargi. Nos deux pays attachent une grande importance à la mise en oeuvre dune stratégie de prévention des conflits de toute nature pouvant mettre en cause leurs intérêts vitaux ou leurs intérêts de sécurité. Cela implique la constitution de moyens de renseignement stratégique afin de disposer dune capacité dautonomie dappréciation des crises. La protection de nos territoires nationaux contre les menaces militaires ou toute forme datteinte à la sécurité demeure fondamentale. A cet égard, nos deux pays ont une conception globale de leur défense, qui vise à les prémunir contre toutes les formes dagression. La paix et la stabilité en Europe sont déterminées de façon décisive par les capacités du dispositif global pour la défense du territoire et de lAlliance. Celles-ci dépendent de la qualité des forces armées immédiatement disponibles, mais aussi de leur capacité à remonter en puissance et à reconstituer des forces. La défense collective repose sur une combinaison entre forces conventionnelles et forces nucléaires adaptée à la nouvelle donne stratégique. La garantie suprême de la sécurité des Alliés est assurée par les forces nucléaires stratégiques de lAlliance, en particulier celles des Etats-Unis; les forces nucléaires indépendantes du Royaume-Uni et de la France, qui remplissent un rôle de dissuasion qui leur est propre, contribuent à la dissuasion et à la sécurité globales des Alliés. Nos pays sont prêts à engager un dialogue concernant la fonction de la dissuasion nucléaire dans le contexte de la politique de défense européenne. Lensemble de nos forces conventionnelles, y compris les forces de réaction projetables, restent prioritairement disponibles pour la défense principale des Alliés au titre des engagements résultant des traités de Bruxelles modifié et de Washington. Le corps européen, grande unité européenne multinationale désormais opérationnelle, créé à linitiative de nos deux pays, illustre cet engagement conjoint au service de la défense collective. Nos deux pays entendent en outre contribuer activement à la préservation de la paix et de la sécurité internationale. Ils peuvent ainsi être amenés à participer, sous des formes très variées, à des missions diverses de gestion de crise, pour des opérations autorisées par le Conseil de sécurité des Nations unies ou sous la responsabilité de lOSCE, dans le cadre de lAlliance ou de lUEO. La possession de moyens militaires rapidement disponibles et projetables en Europe et hors d'Europe, capables de sintégrer aisément au sein de dispositifs multinationaux, est donc essentielle. De tels moyens sont nécessaires, aussi bien pour la défense collective que pour les missions de gestion de crise. III.2. Pour une plus grande complémentarité entre nos forces années. La coopération franco-allemande dans le domaine de la sécurité et de la défense, inscrites dès le départ dans une perspective européenne, a atteint une qualité particulière. Elle trouve son expression dans plusieurs réalisations communes, dans le domaine de la coopération militaire, de la coopération en matière darmement et dans le domaine de lobservation spatiale. Nous entendons par notre coopération préserver et renforcer lefficacité de nos outils de défense respectifs. Il 's'agit de combler leurs lacunes éventuelles tout en recherchant le meilleur rapport coût-efficacité dans la mise en oeuvre de nos politiques de défense, dans le respect du principe de non-duplication des moyens existants. Laccent devra être mis sur les capacités-clés des forces armées que nous identifierons en commun, notamment: interopérabilité, moyens de commandement, renseignement, transport à long rayon daction, logistique. La recherche systématique de complémentarités conduit à la mise en commun des moyens militaires. Elle pourrait se faire dans les directions suivantes: - réflexion sur les missions des forces armées des deux pays, y compris celles des forces multinationales européennes; - approche commune de la gestion des crises; - développement des coopérations opérationnelles; - recherche dune plus grande souplesse et dune plus grande adaptabilité dans l'organisation et l'emploi de nos moyens militaires. III.3. Pour une politique darmement commune. Dans le domaine de l'armement, nos deux pays sont confrontés à un contexte international très difficile, marqué par la diminution des budgets déquipement et une pression accrue de la concurrence. L'Europe doit disposer dune base industrielle et technologique de défense compétitive, permettant aux Etats dacquérir les matériels nécessaires à léquipement de leurs forces au meilleur rapport coût-efficacité. La constitution d'une telle base industrielle, la réduction des surcapacités existantes et la création dune réelle complémentarité industrielle et technologique entre les pays partenaires, tout en garantissant l'approvisionnement des forces en toutes circonstances, doivent s'appuyer sur des projets de coopération concrets. En outre, nous entendons développer une politique européenne globale en matière darmement, tout en maintenant la coopération transatlantique. Linterdépendance des industries de défense française et allemande est de plus en plus grande. Nous entendons faire converger davantage nos politiques d'armement. Les restructurations engagées de nos industries de défense sont loccasion de mettre en place une politique commune visant à développer les capacités industrielles de défense dimportance stratégique pour nos deus pays et pour lEurope. Ces réformes sont conçues demblée dans cette perspective. Les deux pays s'accordent pour créer dans le domaine de la politique d'équipement des dépendances réciproques librement consenties. Pour
parvenir à ces objectifs, lengagement dune politique commune
de programmation en matière darmement est indispensable. Nos deux
pays en ont jeté les bases en créant, lors du sommet de Baden-Baden, une
structure de coopération conjointe, chargée de la gestion des programmes
bilatéraux et de la préparation de lavenir, dans une perspective
européenne. IV. Directives pour la coopération militaire et la coopération en matière darmement Instrument privilégié de la définition dune politique de sécurité et de défense commune franco-allemande, le Conseil de défense et de sécurité donne les orientations générales qui serviront de base pour le développement de la coopération future. IV.1. Directives pour la planification commune des besoins. La France et lAllemagne s'accordent sur la nécessité de parvenir à une planification commune de leurs besoins militaires et des équipements correspondants, qui doit dès lors constituer un objectif prioritaire. Aussi le processus de planification devra d'abord s'efforcer d'accorder les résultats des travaux de prospective, pour en déduire les capacités militaires à acquérir, puis établir léchéancier dacquisition des équipements. Les états-majors des armées utiliseront le cadre du groupe de coopération militaire pour: - identifier les domaines pouvant faire l'objet d'études communes de prospective; - mener ces études ensemble ou échanger le résultat des études nationales; - coordonner et harmoniser dans toute la mesure du possible les conclusions de ces travaux; - en déduire pour les deux armées les capacités militaires estimées nécessaires, qui pourront être autonomes, partagées, ou faire l'objet d'une dépendance librement consentie; ce dernier cas correspond à un choix de complémentarité et de mise en commun de composantes militaires. De la même manière, les directions nationales darmement se concerteront pour étudier, développer et réaliser ensemble les équipements futurs des armées des deux pays. Elles devront ainsi: - prendre en compte les capacités militaires souhaitées par les états-majors pour déterminer les domaines d'études et les secteurs industriels prioritaires dans le domaine de larmement; - à partir des expressions des besoins militaires et des conditions générales relatives aux équipements futurs communs aux deux armées, émises conjointement par les états-majors, rechercher une optimisation des spécifications techniques des matériels développés en coopération, en renonçant dans toute la mesure du possible à des variantes nationales; - définir une méthode dacquisition des équipement conçus pour satisfaire des capacités militaires partagées (production nationale, production en commun, achat réciproque, achat à un pays tiers). Sur la base de réunions régulières communes de concertation, les coprésidents du groupe de « coopération militaire » et du groupe de « coopération armement » adresseront à la Commission franco-allemande un rapport commun harmonisé sur les progrès en matière de planification commune des besoins et des équipements. IV.2. Directives pour la coopération militaire. Le renforcement de linteropérabilité et de la complémentarité en matière de concepts, de structures et de matériels, dans les cadres européen et allié, constitue l'objectif central de la coopération militaire bilatérale. Sur la base des principes énoncés ci-dessus, les directives visant au renforcement de cette coopération concernent principalement les objectifs suivants : - Le rapprochement des hommes:
- Le rapprochement des structures et des doctrines:
-La coordination et la mise en commun de capacités majeures; ce domaine capital et novateur pour l'action conjointe des forces armées dans le nouveau contexte stratégique impose de:
IV.3. Directives pour la coopération en matière darmement Lintensification de la coopération franco-allemande dans le domaine de larmement ne répond pas seulement à nos intérêt bilatéraux; elle répond aussi à lobjectif de construire une politique européenne de larmement. Elle doit, en particulier, être le moteur d'une solution européenne à la rationalisation générale du secteur de larmement européen. C'est ainsi quelle constituera un élément essentiel de la politique étrangère et de sécurité commune et de la politique de défense commune, appelée par le traité de Maastricht, et un pas significatif en faveur de lémergence dune Identité européenne de sécurité et de défense. La solution la plus économique aux besoins exprimés par les forces armées et la mise en place d'une base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne compétitive doivent être résolument recherchées. Cela nécessite des règles communes dans le cadre de la PESC pour les acquisitions et les transferts de biens darmement au sein de lUnion européenne comme pour les exportations vers les Etats tiers. Sur cette base, les directives pour la coopération et la politique franco-allemande dans le domaine de larmement, poursuivent précisément les objectifs suivants : - Un objectif technique et industriel: à partir des besoins opérationnels communs, définir une stratégie industrielle et technologique commune permettant d'équiper les forces au meilleur coût, et, dans une démarche similaire, à partir d'une planification commune, rechercher une standardisation des matériels européens, en tenant compte des impératifs de lAlliance. - Un objectif économique: conduite commune des programmes en coopération au meilleur rapport coût/efficacité. - Un objectif politique : mettre au point en commun et être le moteur dune politique européenne de larmement prenant en compte les spécificités du marché des armements et s'inscrivant dans la perspective dune politique européenne de défense commune (PEDC) |