23 octobre 1970
Première
partie
1. Les ministres des Affaires étrangères des Etats membres des Communautés
européennes ont été chargés par les chefs d'Etat ou de gouvernement réunis
à La Haye les 1er et 2 décembre 1969 «d'étudier la meilleure manière de
réaliser des progrès dans le domaine de l'unification politique, dans
la perspective de l'élargissement » des Communautés européennes.
2. Dans l'exécution de ce mandat, les ministres ont eu le souci de demeurer
fidèles à l'esprit qui a présidé à la rédaction du Communiqué de La Haye.
Les chefs d'Etat ou de gouvernement y ont notamment constaté que la construction
européenne est parvenue, avec le passage à la phase définitive du Marché
commun, «à un tournant de son histoire» ; ils ont affirmé que « les Communautés
européennes demeurent le noyau originel à partir duquel l'unité européenne
s'est développée et a pris son essor» ; ils ont, enfin, exprimé leur détermination
de « préparer les voies d'une Europe unie en mesure d'assumer ses responsabilités
dans le monde de demain et d'apporter une contribution répondant à sa
tradition et à sa mission».
3. Les chefs d'Etat ou de gouvernement ont tenu à exprimer «la commune
conviction qu'une Europe regroupant des Etats qui, dans leurs diversités
nationales, sont unis dans leurs intérêts essentiels, assurée de sa propre
cohésion, fidèle à ses amitiés extérieures, consciente du rôle qui lui
appartient de faciliter la détente internationale et le rapprochement
entre tous les peuples et d'abord entre ceux du continent européen tout
entier, est indispensable à la sauvegarde d'un foyer exceptionnel de développement,
de progrès et de culture, à l'équilibre du monde et à la protection de
la paix».
4. L'Europe unie, consciente des responsabilités qui lui incombent en
raison de son développement économique, de sa puissance industrielle et
de son niveau de vie, entend augmenter ses efforts en faveur des pays
en voie de développement dans le souci d'établir des relations confiantes
entre les peuples.
5. L'Europe unie doit se fonder sur un patrimoine commun de respect de
la liberté et des droits de l'homme et rassembler des Etats démocratiques
dotés d'un parlement librement élu. Cette Europe unie demeure le but fondamental
qui devra être atteint aussitôt que possible, grâce à la volonté politique
des peuples et aux décisions de leurs gouvernements.
6. Les ministres ont estimé, en conséquence, que pour respecter la continuité
et répondre à la finalité politique du dessein européen telles que la
conférence de La Haye les a si fortement soulignées, leurs propositions
devaient se fonder sur une triple constatation.
7. La première est qu'il convient, dans l'esprit des préambules des traités
de Paris et de Rome, de donner forme à la volonté d'union politique qui
n'a cessé de soutenir les progrès des Communautés européennes.
8. La seconde est que la mise en œuvre des politiques communes déjà instaurées
ou en voie de l'être postule que des développements leur correspondent
dans l'ordre proprement politique en vue de rapprocher le moment où l'Europe
pourra s'exprimer d'une seule voix. C'est pourquoi il importe que la construction
de l'Europe se poursuive par étapes successives et que se développent
de manière graduelle la méthode et les instruments les plus appropriés
pour permettre une action politique commune.
9. La dernière, enfin, est que l'Europe doit se préparer à exercer les
responsabilités que sa cohésion accrue et son rôle grandissant lui font
un devoir en même temps qu'une nécessité d'assumer dans le monde.
10. Les développements actuels des Communautés européennes imposent aux
Etats membres la nécessité d'accroître leur coopération politique, et,
dans une première étape, de se doter des moyens d'harmoniser leurs points
de vue en matière de politique internationale. Il est ainsi apparu aux
ministres que c'est dans le domaine de la concertation des politiques
étrangères qu'il convient de faire porter concrètement les premiers efforts
pour manifester aux yeux de tous que l'Europe a une vocation politique.
Les ministres ont, en effet, la conviction qu'un progrès dans cette voie
serait de nature à favoriser le développement des Communautés et à donner
aux Européens une conscience plus vive de leur commune responsabilité.
Deuxième partie
Les ministres proposent ce qui suit:
Soucieux de réaliser des progrès dans le domaine de l'unification politique,
les gouvernements décident de coopérer en matière de politique étrangère.
I. Objectifs
Les objectifs de cette coopération sont les suivants :
- assurer par une information et des consultations régulières une meilleure
compréhension mutuelle sur les grands problèmes de politique internationale;
- renforcer leur solidarité en favorisant une harmonisation des points
de vue, la concertation des attitudes et, lorsque cela apparaîtra possible
et souhaitable, des actions communes.
II. Réunions ministérielles
1. A l'initiative du président en exercice, les ministres des Affaires
étrangères se réunissent au moins tous les six mois.
S'ils estiment que la gravité des circonstances ou l'importance des sujets
à traiter le justifie, leur réunion peut être remplacée par une conférence
des chefs d'Etat ou de gouvernement. En cas de crise grave ou d'urgence
particulière, une consultation extraordinaire sera organisée entre les
gouvernements des Etats membres. Le président en exercice se mettra en
rapport avec ses collègues afin de déterminer les meilleures méthodes
pour assurer cette consultation.
2. Le ministre des Affaires étrangères de l'Etat qui assure la présidence
du Conseil des Communautés européennes préside les réunions.
3. Les réunions ministérielles sont préparées par un Comité composé par
les directeurs des affaires politiques.
III. Comité politique
1. Un Comité composé des directeurs des affaires politiques se réunit
au moins quatre fois par an en vue de préparer les réunions ministérielles
et de s'acquitter des tâches qui lui seraient confiées par les ministres.
En outre, le président en exercice pourra, à titre exceptionnel et après
consultation de ses collègues, convoquer le Comité, soit à son initiative,
soit à la demande d'un des membres.
2. La présidence de ce Comité suit les mêmes règles que celles des réunions
ministérielles.
3. Le Comité peut créer des groupes de travail chargés de tâches particulières.
Il pourra charger un groupe d'experts de rassembler les données relatives
à un problème déterminé et de présenter les différentes options possibles.
4. Toutes autres formes de consultation pourront être envisagées en tant
que de besoin.
IV. Sujets soumis à la consultation
Les gouvernements se consulteront sur toutes les questions importantes
de politique étrangère.
Les Etats membres pourront proposer à la consultation politique toutes
questions de leur choix.
V. Commission des Communautés européennes
Dans le cas où les travaux des ministres entraîneraient des effets sur
les activités des Communautés européennes, la Commission serait invitée
à faire connaître son avis.
VI. Assemblée parlementaire européenne
Afin de donner un caractère démocratique à l'édification de l'union politique,
il est nécessaire d'y associer l'opinion publique et ses représentants.
Un colloque semestriel réunira les ministres et les membres de la Commission
politique de l'Assemblée parlementaire européenne en vue de discuter des
questions qui font l'objet de consultations dans le cadre de la coopération
en matière de politique étrangère. Ce colloque se tiendra de manière informelle
afin de permettre aux parlementaires et aux ministres d'exprimer librement
leur opinion.
VII. Dispositions générales
1. Les réunions se tiendront normalement dans le pays dont le représentant
assure la présidence des réunions.
2. L'Etat hôte prend les dispositions nécessaires pour assurer le secrétariat
et l'organisation matérielle des réunions.
3. Chaque Etat désignera au sein de son administration des affaires étrangères
un fonctionnaire qui sera le correspondant de ses homologues dans les
autres Etats.
Troisième partie
1. Afin d'assurer une continuité dans la tâche entreprise, les ministres
se proposent de poursuivre leurs travaux sur la meilleure manière de réaliser
des progrès dans le domaine de l'unification politique et de présenter
un deuxième rapport.
2. Ces travaux porteront également sur l'amélioration de la coopération
en matière de politique étrangère et sur la recherche de nouveaux domaines
dans lesquels des progrès pourraient être réalisés. Ils devront tenir
compte de ceux qui seraient entrepris dans le cadre des Communautés européennes
notamment en vue d'en renforcer les structures et de les mettre ainsi
en mesure, si cela apparaissait nécessaire, de répondre de manière satisfaisante
à l'accroissement et au développement de leurs tâches.
3. A cette fin, les ministres chargent le Comité politique d'organiser
ses travaux de manière à pouvoir s'acquitter de cette tâche et de leur
soumettre des comptes rendus à l'occasion de chacune de leurs réunions
semestrielles.
4. Le président en exercice du Conseil fera une fois par an une communication
à l'Assemblée parlementaire européenne sur l'évolution de ces travaux.
5. Sans préjuger de tout rapport intérimaire qu'ils pourraient juger utile
de présenter, si l'état des études le permet, les ministres des Affaires
étrangères déposeront leur second rapport d'ensemble au plus tard deux
ans après la mise en œuvre de la consultation en matière de politique
étrangère. Ce rapport devra contenir une évaluation des résultats obtenus
par ladite consultation.
Quatrième partie
Propositions concernant l'association des Etats candidats aux travaux
prévus aux parties II et III de ce rapport.
1. Les ministres soulignent la corrélation qui existe entre l'appartenance
aux Communautés européennes et la participation aux activités devant permettre
de réaliser des progrès dans le domaine de l'unification politique.
2. Etant donné que les Etats candidats devront être consultés sur les
objectifs et les mécanismes décrits dans le présent rapport et qu'ils
devront y adhérer quand ils seront devenus membre des Communautés européennes,
il est nécessaire de tenir ces Etats informés de l'évolution des travaux
des Six.
3. C'est en ayant en vue ces différents objectifs que sont proposées les
procédures suivantes pour assurer l'information des Etats candidats:
a) Réunions ministérielles
Les ministres fixeront à chacune de leurs réunions semestrielles la date
de leur réunion suivante.
Ils arrêteront au même moment une date à proposer pour une réunion ministérielle
à Dix. Cette date devrait être fixée à un moment aussi rapproché que possible
de la réunion à Six et normalement après celle-ci, en tenant compte des
occasions que les dix ministres ou certains d'entre eux ont déjà de se
rencontrer. Après la réunion ministérielle à Six, le président en exercice
fera part aux Etats candidats des questions que les ministres proposent
d'inscrire à l'ordre du jour de la réunion ministérielle à Dix et de toute
autre information susceptible de donner à l'échange de vues à Dix un caractère
aussi fructueux que possible.
Compte tenu du fait qu'une certaine flexibilité devra caractériser cette
information et ces échanges de vues, il est entendu que ceux-ci seront
approfondis lorsque les accords portant adhésion des Etats candidats aux
Communautés européennes auront été signés.
b) Réunions du comité politique
Celui-ci communiquera aux Etats candidats les informations susceptibles
de les intéresser. Celles-ci seront transmises par le président en exercice,
qui recueillera leurs réactions éventuelles. Le président en rendra compte
au Comité politique.
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