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SYNTHESES FRANCO-ALLEMANDES
La politique étrangère et la défense
Par
Sep 30, 2004, 03:30



LA POLITIQUE ETRANGERE ET LA DEFENSE
DANS LES RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES



Même si les politiques étrangères de la France et de l’Allemagne demeurent distinctes, les deux pays les ont progressivement harmonisées depuis la fin de la dernière guerre mondiale.
De Gaule et Adenauer à l'Elysée

Depuis 1945 la politique étrangère française a conservé des ambitions internationales alors que celle de l’Allemagne se concentrait davantage autour de son intégration à l’Europe et plus généralement à l’Occident. Néanmoins, à partir de la fin des années quatre-vingt, l’Allemagne a souhaité qu’on lui reconnaisse sur la scène internationale une position qui soit plus en phase avec sa puissance économique; ainsi, en 1992, elle sollicita l’octroi d’un siège de membre permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU avec droit de veto dans le cadre de la réforme de cette institution. La France a fini par reconnaître la légitimité de la demande allemande mais la réforme institutionnelle ne semble pas prête d’aboutir.

Certaines données historiques telles que le siège permanent au Conseil de Sécurité de la France, son statut de puissance nucléaire depuis 1960, son retrait du commandement intégré de l’OTAN en 1966, les restrictions imposées à l’action de l’armée allemande après la dernière guerre... n’ont pas manqué d’engendrer certaines divergences entre les deux pays dans l’appréciation des événements internationaux ainsi que dans leur politique de défense respective.

Avant la fin de la guerre froide, l’Allemagne a dû concilier deux visions divergentes en matière de politique étrangère et de défense : celle des Etats-Unis qui assurent sa défense dans le cadre de l’OTAN et celle de la France qui tente de promouvoir une politique distincte, coordonnée avec celle de son voisin allemand.

En dépit de l’échec de la Communauté Européenne de Défense (C.E.D.) en août 1954, les accords de Paris instituant l’Union de l’Europe Occidentale (U.E.O.) en octobre 1954 et l’entrée de l’Allemagne dans l’OTAN en mai 1955 permettent aux deux pays de commencer à rapprocher leur politique étrangère et leur défense.

La naissance de la Communauté Economique Européenne (CEE) par la signature du Traité de Rome du 25 mars 1957 marque une étape importante pour les relations entre les deux pays ; en dépit de son caractère essentiellement économique, ce traité ouvrait la voie à un rapprochement politique futur entre les divers pays membres de la Communauté et plus particulièrement entre la France et l’Allemagne qui en représentaient déjà le moteur. En effet, ce rapprochement politique se manifesta par la suite au travers de la signature de l’Acte Unique en 1986 puis du Traité de Maastricht en 1992 qui prévoyait la mise en place d’une Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC) ainsi que l’instauration à terme d’une défense commune (Art. J.4).

La France et l’Allemagne se sont employées, tant lors de la négociation du Traité de Maastricht que lors de la Conférence Inter-Gouvernementale (CIG) qui a conduit aux Accords d’Amsterdam de juin 1997, à élaborer des propositions communes, notamment dans les domaines de la politique étrangère et la défense.

La France et l’Allemagne sont favorables à une plus grande autonomie politique de l’Europe en ce qui concerne la Politique Etrangère et de Sécurité Commune. Pour cela, les deux pays avaient proposé lors de la CIG la mise en place d’un " Monsieur PESC " ainsi que l’extension du vote à la majorité sur ces questions. Toutes ces propositions avaient pour vocation de remédier aux modestes résultats obtenus par l’Union dans le domaine de la politique étrangère (lors du conflit en ex-Yougoslavie par exemple) en raison du disfonctionnement du mécanisme décisionnel en la matière et du déficit de délégation de pouvoir à l’échelle européenne.
Défilé du Corps européen (ex-franco-allemand) sur les Champs Elysées le 14 juillet 1994

Le couple franco-allemand est à l'origine de l’idée d’une identité européenne de défense. En novembre 1987, il créé la brigade franco-allemande (5.000 hommes) ; le succès de cette expérience engage les deux pays à mettre en place un Eurocorps franco-allemand (Corps européen) en 1992 auquel se joignent par la suite La Belgique, le Luxembourg et l’Espagne (50.000 hommes). Même s’il peut être amené à servir dans le cadre de l’OTAN, il ne dépend pas de son commandement ; il peut également servir dans le cadre de l’UEO.

L’Eurocorps est censé préfigurer la future défense européenne envisagée dans le Traité de Maastricht. Il constitue ainsi l’une des premières pierres de l’identité européenne de défense. La réussite de cette expérience a favorisé d’autres initiatives de défense européennes impliquant d’autres pays comme l’Euromarfor dans le domaine maritime ou le groupement aérien franco-britannique. Par ailleurs, la participation de l’Eurocorps à des missions internationales est désormais possible grâce au jugement de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe du 12 juillet 1994 qui leva l’interdiction pour les soldats allemands d’agir en dehors du territoire allemand et de la zone couverte par l’OTAN; ainsi, la brigade franco-allemande a pu participer à la force de stabilisation de la paix en Bosnie en décembre 1996.

Dans la même perspective, la France et l’Allemagne prévoyaient en 1995 la création d’une agence franco-allemande d’armement qui devint en novembre 1996 l’agence européenne d’armement intégrant le Royaume-Uni et l’Italie. L’objectif premier de cette Agence est de coordonner la recherche et la construction des armements à l’échelle européenne. On observe également une restructuration du tissu industriel de l’armement à l’échelle européenne afin de pouvoir faire face à la concurrence internationale. En décembre 1995, la signature d’un accord pour la construction des satellites espions Elios 2 et Orus, entre la France, l’Allemagne mais aussi l’Espagne et l’Italie s’inscrit dans la même logique.

Le concept commun franco-allemand en matière de défense défini dans l'accord conclut lors du Sommet franco-allemand de Nuremberg du 9 décembre 1996 exprime clairement la volonté des deux pays de voir s’instaurer entre eux une " défense concertée ". L’élaboration d’un concept stratégique commun doit permettre d’aboutir à l’instauration d’une communauté de défense franco-allemande dans une perspective européenne et atlantique. A cette occasion Helmut Kohl et Jacques Chirac ont également exprimé leur analyse commune sur l’élargissement de l’OTAN ainsi que sur la nécessité d’une redéfinition des relations avec la Russie. Cet accord manifeste clairement le renforcement des relations franco-allemandes dans ce domaine; il constitue également l’une des plus importantes synthèses des relations franco-allemandes en la matière depuis près de 40 ans. En effet, l’échec du volet militaire du traité de l’Elysée de 1963, en dépit de la " réactivation " du conseil franco-allemand de défense et de sécurité par le Président François Mitterand et le Chancelier Helmut Kohl en 1988, n’avait pas permis l'affirmation d’une conception stratégique commune entre les deux pays.

Le désengagement partiel des Etats-Unis en Europe dans les années 90 ainsi que le rapprochement entre la France et l’OTAN depuis 1995 auront favorisé la convergence des positions de la France et de l’Allemagne. Néanmoins, ce rapprochement de l’OTAN ne s’effectue pas sans conditions de la part de la France ; en effet, celle-ci souhaite que l’Europe, dont l’identité de défense à été reconnue lors du Conseil atlantique du 3 juin 1996, ait des responsabilités accrues au sein de cette organisation.

La question du nucléaire demeure un point délicat des relations franco-allemandes dans le domaine de la défense. En effet, la proposition de " dissuasion concertée " faite par la France lors de la reprise de ses derniers essais nucléaires en 1995 a été accueillie avec réticence par l’Allemagne qui accepte déjà sur son territoire la présence du " parapluie nucléaire " américain. La " dissuasion concertée " proposait un dialogue entre les partenaires à propos des modalités d’emploi de la force de dissuasion nucléaire française en plus d’une extension de garantie. Déjà en novembre 1957, un protocole signé entre la France, l’Allemagne et l’Italie prévoyait une coopération dans les domaines de l’aviation, des missiles et des applications militaires de l’énergie atomique ; mais l’opposition du Général de Gaulle à ces accords lors de son retour au pouvoir en juillet 1958 avait marqué la fin de ces accords. Ainsi, les divergences persistantes entre la France et l’Allemagne, rendent peu probable, à court terme, l’émergence d’une défense commune dans ce domaine. Néanmoins, l’Allemagne s’est montrée favorable à l’ouverture " d’un dialogue sur le rôle de la dissuasion nucléaire dans le contexte d’une politique européenne de défense " dans les accords de Nuremberg.

Tant la construction politique de l’Europe destinée à lui permettre d’acquérir une position sur la scène internationale en phase avec sa puissance économique que la mise en place d’une politique de défense commune, rendent indissociables les intérêts français et allemands dans ces domaines. Cette communauté de vues se prolonge dans la construction européenne pour laquelle elle constitue le principal centre d’impulsion indispensable à sa progression.





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