Article de: LEFORUM.de

TRAITES, DECLARATIONS, ACCORDS FRANCO-ALL.
Rencontre de Poitiers - Communiqué final lors de la première rencontre entre les Länder allemands et les régions françaises - Poitiers les 27-28/10/03
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Oct 14, 2010, 17:15




Les Régions et les Länder ensemble pour un rapprochement toujours plus étroit entre la France et l’Allemagne et les peuples d’Europe
Lors d'une rencontre entre le Chancelier Gerhard Schröder, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et les Ministre-présidents des Länder allemands et les Présidents des régions françaises le 27 et 28 octobre 2003 à Poitiers, les représentants des Länder et des régions ont adopté le communiqué suivant:
Rencontre à Poitiers, les 27 et 28 octobre 2003



- La langue et la connaissance de la culture du partenaire
- La mobilité des jeunes et des formateurs
- La mise en réseau des compétences



1. La rencontre qui se tient aujourd’hui entre les Länder allemands et les Régions françaises est la première du genre et se veut une expression à la fois emblématique et concrète du renforcement des liens entre nos deux pays à l’occasion du quarantième anniversaire du traité de l’Élysée. La coopération franco-allemande a, au cours des quarante dernières années, atteint une intensité exceptionnelle. Elle s’appuie d’une part sur un réseau dense de partenariats et sur l’engagement de la société civile, d’autre part sur une concertation étroite entre gouvernements, dont la dimension institutionnelle a été encore renforcée cette année. Dans la déclaration du 22 janvier 2003, le Président de la République et le Chancelier fédéral ont appelé expressément au renforcement de la coopération entre les collectivités territoriales. C’est pourquoi le Premier Ministre, M. Raffarin, et le Chancelier fédéral, M. Schröder, apportent tout leur appui à la réunion d’aujourd’hui et à ses objectifs.

2. De nouvelles chances peuvent s’offrir à la coopération entre les Länder et les Régions. Länder et Régions pourront enrichir leur contribution à la coopération entre nos deux pays, tant pour les aspects traditionnels de celle-ci, comme la promotion des échanges et de la langue du partenaire, que pour s’associer aux efforts actuels en faveur de la reprise de la croissance dans une Europe à la compétitivité renforcée.

3. Aujourd’hui, nous saluons tout particulièrement la signature d’un nouvel accord de partenariat entre la Région Poitou-Charentes et le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale, qui réunit les rivages de l’Atlantique à ceux de la Baltique. En septembre, la Région Ile-de-France et le Land de Brandebourg ont également signé une nouvelle déclaration de partenariat. Ils viennent ainsi compléter et enrichir l’ensemble des Régions et des Länder qui pratiquent une coopération par-delà les frontières. Nous nous félicitons aussi des efforts réalisés pour insérer des partenariats avec d’autres régions d’Europe, entre les Länder et les voïvodies polonaises par exemple, dans un véritable maillage de dispositifs de coopération régionale européenne.

Ce rapprochement que nous appelons de nos vœux fait écho à l’objectif d’une « union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe » inscrit de manière solennelle dans le préambule du Traité de Rome. Dans cette Union européenne qui s’apprête à accueillir de nouveaux membres, nous voyons dans l’esprit d’ouverture à l’autre, dans l’aptitude à comprendre nos partenaires, dans la curiosité et le désir de découverte de la culture de nos voisins, autant de conditions indispensables à l’émergence d’un sentiment d’identité européenne, respectueux de cet héritage précieux et vivant que représentent la pluralité et la diversité des cultures, des langues et des modes de vie.

4. La rencontre d’aujourd’hui entre Régions et Länder a pour objectif d’imprimer dans cette coopération un élan vigoureux et de lui proposer des orientations nouvelles. Elle s’inscrit dans le prolongement des réflexions conduites depuis plusieurs mois par les groupes de travail réunissant Régions et Länder, qui ont abouti à des propositions fécondes. Nous souhaitons la placer sous le signe d’une offensive commune en matière de compétences, fondée sur les besoins que nous avons identifiés ensemble. Cette rencontre répond en fait à une double préoccupation de rapprochement des sociétés et de renforcement de nos performances économiques.

Un accès authentique à la réalité du pays partenaire et à sa culture suppose une vraie maîtrise de la langue. Dans une Europe de la diversité, le plurilinguisme doit être encouragé, et nous avons pour objectif que les jeunes des deux pays maîtrisent deux langues étrangères européennes. Nous soutiendrons activement une augmentation significative du nombre des jumelages entre établissements scolaires.

Nous entendons œuvrer activement au renforcement du rôle de la langue du pays partenaire. Nous voulons inverser la tendance au fléchissement de l’intérêt pour l´apprentissage de la langue du partenaire et accroître substantiellement la proportion de la population qui l´apprend. A cet égard, nous considérons comme réaliste un objectif de progression de 50% en dix ans.

La langue et la culture du pays s’acquièrent de manière privilégiée par une immersion complète dans l’environnement du pays voisin. Nous devons donc tout particulièrement encourager les opérations d’échanges, les séjours et les projets franco-allemands de coopération qui impliquent une vraie insertion dans la vie quotidienne et l’environnement social du pays partenaire. Ceux qui ont participé à de tels échanges sont les témoins sincères et engagés de la réalité tangible de la coopération franco-allemande, ils sont des agents convaincants et efficaces pour promouvoir le rapprochement de nos deux pays. Nous rendons ici hommage à la qualité et à l’ampleur du travail réalisé par l’OFAJ, auquel nous continuerons d’accorder une place centrale dans nos actions.

Au travers de partenariats et de relations commerciales intenses, nos deux économies ont tissé des liens extrêmement étroits depuis plusieurs décennies. Mais de nombreuses potentialités restent inexploitées en raison de l’insuffisance des connaissances linguistiques et d’un défaut persistant de familiarité avec la culture de l’autre pays. Afin de mieux mettre en valeur nos ressources, de stimuler la compétitivité et l’offre d’emplois, il convient désormais de renforcer l’intégration de nos marchés du travail. Cette mobilité accrue des hommes et des compétences à laquelle nous aspirons, implique un développement de la capacité d’intégration dans la réalité sociale du pays partenaire. L’aptitude à vivre et à travailler avec aisance dans les deux cultures est une condition essentielle du développement de l’intégration économique et du renforcement des liens entre nos deux sociétés. Nous voulons donc encourager la mobilité, notamment celle des éducateurs et celle des jeunes au seuil de la vie active. Pour cela des obstacles qui freinent la mobilité doivent être levés. Des difficultés matérielles et administratives doivent être aplanies. Trop de facteurs stérilisent encore des opportunités d’échange.

La mise en réseaux avec le monde économique et la société civile de nos systèmes de formation initiale et continue, de formation générale et de formation professionnelle, de la recherche et de l’apprentissage, revêt pour nos économies une signification toute particulière. Les frontières entre ces domaines ou ces disciplines peuvent précisément être plus aisément dépassées et surmontées dans le cadre d’une coopération à l’échelle régionale. Cela permet d’accroître la compétitivité, de renforcer la cohésion sociale et de contribuer à l’objectif de faire de l’Union européenne l’espace économique basé sur la connaissance le plus compétitif au monde. La participation des milieux économiques, en particulier dans le domaine de la formation professionnelle initiale et continue, sera décisive pour la réussite de nos initiatives.

* * *

Ainsi, nous affirmons ensemble notre mobilisation autour des trois objectifs de l’amélioration de la connaissance de la langue et de la culture de l’autre, de l’accroissement de la mobilité et de la mise en réseau des compétences. Dans l’esprit des réflexions conduites au sein des groupes de travail, les Régions et les Länder vont poursuivre et approfondir leur coopération, et progresser dans la concrétisation de leurs projets. Aujourd’hui, nous entendons d’ores et déjà marquer notre engagement collectif dans la réalisation des projets suivants, chacun en fonction des instruments dont il dispose et de ses compétences :

La langue et la connaissance de la culture du partenaire :

1. Il doit exister une répartition équilibrée sur l’ensemble du territoire, et non seulement dans les régions frontalières, des établissements d’enseignement où une large place est accordée à la langue du partenaire dans les programmes éducatifs. Ces établissements seront accompagnés dans la recherche de partenaires dans l’autre pays. Les Régions et les Länder coopèreront étroitement pour favoriser l’introduction de l’enseignement de la langue du partenaire dès l’école maternelle. L’incitation à l’apprentissage de la langue du partenaire dans la formation professionnelle initiale et continue sera renforcée, notamment par l’implantation de sections européennes de langue allemande dans les lycées professionnels en France. Le dispositif Abibac, qui permet l’obtention simultanée du baccalauréat et de l’Abitur, continuera d’être encouragé. En France, le modèle des sections internationales sera étendu à d’autres établissements ; l’assouplissement des conditions réglementaires requises pour leur ouverture contribuera à cet objectif.

2. Les formations destinées aux enseignants qui peuvent être directement applicables dans le pays voisin seront développées. Des expériences de ce type ont déjà été mises en place dans le cadre de la coopération entre la Région d’Alsace et le Bade-Wurtemberg, entre la Bourgogne et la Rhénanie-Palatinat, entre la Lorraine et la Sarre, et entre la Région Rhône-Alpes et la Saxe. L’Université franco-allemande pourrait jouer ici un rôle de centre d’information et d’orientation pour les futurs enseignants et les enseignants souhaitant acquérir ou développer une compétence binationale au moyen de ces cursus.

3. Les restrictions existantes à la mobilité professionnelle des enseignants, des formateurs et des éducateurs qui ont achevé leur formation dans leur pays d’origine et qui disposent des qualifications linguistiques requises seront éliminées. Les échanges temporaires d’enseignants seront également encouragés.

4. Les efforts de promotion de l’apprentissage de la langue du partenaire seront intensifiés, notamment dans la perspective d’une utilisation dans la vie professionnelle. A cet effet, nous utiliserons particulièrement la journée franco-allemande du 22 janvier dans tous les établissements de formation. Les Länder et les Régions se concerteront pour soutenir dans cette action les administrations responsables de l’enseignement au niveau régional.

5. Dans le domaine de l’audiovisuel, les relations étroites entre les stations de l’ARD et de France 3 ont permis de réaliser, depuis quelques années, des coproductions, des émissions communes et des échanges, notamment entre la Sarre et la Lorraine, le Bade-Wurtemberg et l’Alsace. Ce modèle est à encourager et à installer dans un périmètre plus vaste que celui des relationstransfrontalières. Une meilleure connaissance des pratiques professionnelles des deux pays, passe aussi par une formation commune des journalistes franco-allemands. Le programmes ReportEur, mené par l’ARD et France Télévisions/France 3, est à ce titre une expérience intéressante et innovante. Ces bases devraient permettre de développer des magazines croisés -thématiques ou de simple présentation- entre les stations de l’ARD et les stations régionales de France 3.
Nous saluons les actions des Länder et des Régions en matière de promotion du cinéma des deux pays et nous encourageons les initiatives de coopération dans ce domaine.

6. Nous encourageons les progrès entrepris par ARTE pour mieux ouvrir ses programmes aux diverses réalités régionales allemandes et françaises, et ainsi améliorer son accessibilité ; ces objectifs vont de pair avec le renforcement des liens d’ARTE avec les pays adhérents à l’Union européenne. L’amélioration de la diffusion et de l’audience d’ARTE demeure également un objectif commun.

7. Nous soutenons le projet déjà engagé de manuel d'histoire commun franco-allemand, qui est destiné à être utilisé à l'avenir comme un manuel de référence dans chaque pays. Ce manuel sera pour les générations à venir d'élèves une invitation à se familiariser avec le pays partenaire. Il sera utilisé dans la langue de chaque pays. Les Régions françaises et les Länder contribueront à sa large utilisation.

La mobilité des jeunes et des formateurs

8. L’offre déjà large de bourses, de stages et d’emplois dans le pays partenaire, qu’elle soit du fait d’entreprises, des programmes de volontariat ou d’autres institutions doit être encore élargie et mieux connue. Des campagnes d’information sur les recrutements seront lancées en partenariat avec les chambres consulaires et des organisations professionnelles. Nous lèverons les obstacles à la mobilité en matière de stages qui découlent encore de la divergence des situations au regard de la sécurité sociale.

9. Nous regrouperons les informations qui sont actuellement dispersées entre une grande variété de sites Internet, par l’intermédiaire du futur portail franco-allemand, qui, au moyen de liens appropriés permettra à l’utilisateur un accès thématique et par région. Nous veillerons à ce que les informations sur le séjour dans d’autres régions européennes soient également accessibles.

10. « Des jeunes pour recruter les jeunes» : le 22 janvier, journée franco-allemande, nous inviterons dans les établissements d’enseignement des élèves, des étudiants et des stagiaires qui ont déjà participé à un échange entre nos deux pays pour qu’ils témoignent de leur expérience.

11. Dans le domaine de l’enseignement supérieur, l’Université franco-allemande, constituée d’un ensemble d’établissements d’enseignement supérieur des deux pays, joue un rôle central dans la coopération universitaire, avec son offre diversifiée de cursus d’études intégrés dans les deux pays. Il lui est demandé de jouer un rôle accru dans les études doctorales et de développer ses projets de recherche communs. Par conséquent, nous continuerons de la soutenir et nous élargirons en particulier l’offre de cursus intégrés aboutissant à un double diplôme ou à des diplômes franco-allemands délivrés par l’Université franco-allemande.

12. Dans le domaine de la recherche, notre objectif est de permettre à de jeunes scientifiques, doctorants et post-doctorants, de participer à la recherche de pointe et aux échanges intensifs à l’intérieur de la communauté scientifique. Nous encouragerons la constitution et le développement de formations doctorales franco-allemandes en soutenant des manifestations de préparation à la rencontre de jeunes chercheurs.

La mise en réseau des compétences

13. Nous voulons faire des réseaux de compétence et d’innovation un instrument important de la coopération entre les Länder et les Régions. Ces réseaux s’appuient sur les partenariats entre les entreprises, les universités les centres de recherche et les organismes de formation qui sont actives dans un même domaine, pour développer un potentiel d’innovation nouveau.
Nous voulons tirer parti de l’expérience des projets d’innovation transfrontaliers comme la "bio-valley Rhin supérieur" ou le projet de géothermie du Couloir rhénan qui, outre son caractère novateur, présente un intérêt sous l’angle du développement durable. Nous proposons d’établir des liens de coopération entre des réseaux de compétences existants : c’est ainsi que les réseaux de compétences des industries aéronautiques et spatiales qui fonctionnent déjà en Allemagne du Nord et du Sud proposent des contacts renforcés aux structures analogues des Régions Aquitaine et Midi-Pyrénées. Nous soutenons l’institution de coopérations entre d’autres pôles d’innovation, par exemple dans le domaine des technologies de l’information et des biotechnologies, des énergies renouvelables, des nanotechnologies, de l’automobile, de la logistique et du savoir. Compte tenu de l’expérience positive des « régions apprenantes », nous préconiserons d’encourager de nouveaux partenariats dans le cadre de programmes européens comme Interreg.

14. Nous apporterons une aide supplémentaire pour la recherche de nouveaux contacts et de nouveaux partenaires disposés à participer à de telles expériences. Les agences compétentes (le Verein deutscher Ingenieure – VDI- et la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale -DATAR) sont chargées de mettre en place des instruments du développement de tels partenariats, notamment une bourse de contacts virtuelle commune, qui sera ouverte à d’autres régions européennes.

15. Nous souhaitons poursuivre la mise en réseaux des compétences en vue du développement des parcs naturels en de véritables régions modèles en matière de développement durable.

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Parallèlement à la mise en œuvre des décisions et des engagements figurant dans cette déclaration, les Régions et les Länder poursuivront la réalisation des projets – phares décrits dans la documentation établie par les groupes de travail. Le suivi et la mise en oeuvre des projets seront placés sous la responsabilité des Régions et des Länder pilotes. Les Régions et les Länder dresseront périodiquement un bilan de l’avancement de leurs actions de coopération décentralisée. Ils seront en contact étroit avec les deux secrétaires généraux pour la coopération franco-allemande et le Plénipotentiaire de la République fédérale d'Allemagne chargé des Affaires culturelles qui feront rapport au Conseil des ministres franco-allemand.




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